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REVUE PÉDAGOGIQUE

la faculté de déclarer à l’état civil l’enfant « né de père et mère inconnus ».

Ce mode d’admission s’appelle : l’admission libre à bureau ouvert.

On a voulu éviter que l’abandon ne devint un simple placement permettant aux mères de faire élever gratuitement leurs enfants, sauf à Les reprendre lorsque ceux-ci, devenus grands, pourraient leur devenir un instrument de gain. Une règle sévère interdit de faire connaître à la mère le lieu où l’enfant est placé. Tous les trois mois, au plus, on lui fait savoir verbalement, sur sa demande, si l’enfant est mort ou vivant. Si plus tard elle le réclame, le directeur de l’Assistance publique décide seul, dans l’intérêt exclusif de l’enfant, s’il y a lieu de le rendre et s’il doit, dans ce cas, réclamer la restitution des frais d’entretien.

À ceux qui se plaignent de la suppression des tours, M. Brueyre répond que la facilité de l’admission à bureau ouvert et l’immensité de Paris garantissent le secret des mères d’une façon suffisante. Mais il reconnaît que des réformes seraient désirables dans les départements, et qu’il faudrait y introduire un système d’admission aussi large que celui qui fonctionne à Paris. Une seule difficulté s’y oppose : l’insuffisance des ressources départementales.

Le directeur de l’Assistance publique devient le tuteur commun de tous les enfants abandonnés de la Seine : c’est lui qui exerce sur eux tous les droits de la puissance paternelle.

Le système d’éducation adopté pour ces enfants est simple et, pour ainsi dire, bucolique. On les place chez une nourrice à la campagne. L’enfant n’est pas destiné à ne passer chez ses parents nourriciers que les premiers mois de son existence ; il doit vivre chez eux jusqu’à treize ans au moins, et, jusqu’à cette époque, une pension lui est servie par le département de la Seine. Presque toujours des liens aussi étroits, aussi durables que ceux du sang se forment entre l’enfant trouvé et la famille dont il partage les travaux les peines et les joies. On a vu plus d’un de ces enfants, réclamé plus tard par ses véritables parents, et appelé à une existence brillante, préférer l’humble demeure des paysans qui l’avaient élevé.

C’est ainsi que Paris rend annuellement à la province et à la vie des champs 4,000 enfants d’ouvriers parisiens.

La seconde partie de la conférence de M. Brueyre est consacrée à une œuvre plus intéressante encore au point de vue social et pédagogique que celle qui vient en aide à la première enfance. Il s’agit de la protection des enfants moralement abandonnés.

« L’enfant moralement abandonné, dit M. Brueyre, est le mineur de seize ans, que ses parents, pour des causes dépendant ou non de leur volonté, laissent dans un état habituel de mendicité, de vagabondage ou de prostitution. »

Jusqu’en 1881 l’assistance publique n’étendait sa protection qu’aux enfants de moins de douze ans ; à partir de cet âge ils étaient censés