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REVUE PÉDAGOGIQUE

soient organisées de manière que le travail des enfants devienne productif pour eux dès l’âge de douze ou treize ans, et on verra bientôt les indigènes y envoyer leurs enfants en grand nombre. »

Ce moyen peut être bon. Mais ne reculerait-on pas devant ce surcroît de dépense ? Il ne faut pas perdre de vue qu’il y a environ deux mille écoles à créer, « ce qui entraînerait, dit M. Brunoy (Journal du Soir, n° du 27 avril 1886), une dépense de dix ou douze millions de première mise, et trois ou quatre millions de budget annuel ; c’est-à-dire des sommes dont nous ne disposons pas, et que les Arabes, déjà fort chargés par les douze millions d’impôts qu’ils paient tant pour le gouvernement général que pour les départements, n’arriveraient pas à trouver. Mais il y a commencement à tout. Dès l’année 1887, il est entendu que 220,000 francs seront alloués par la métropole pour l’instruction des indigènes en Algérie. Qu’on y joigne les 66,000 francs des bourses a bacheliers et on approchera de 300,000. Ce n’est pas tout : sur les 6 millions que les trois départements algériens touchent de l’impôt arabe, leurs conseillers généraux, qui sont exclusivement français, ne consacrent pas un sou à des entreprises particulièrement utiles pour les indigènes. Ne pourrait-on demander 200 ou 250,000 francs à chacun sur ce boni ? »

Qu’on accorde, dit en terminant l’auteur de l’article que nous citons, le droit de vote à tout indigène qui saura lire et écrire en français, et les députés sauront bien alors s’occuper des Arabes.

Le mot est spirituel, mais le reproche n’est pas mérité. L’on s’occupe beaucoup en ce moment, un peu partout, des moyens à employer pour instruire les indigènes et leur apprendre à parler français. L’Alliance française y consacre ses efforts, les instituteurs réunis en conférences pédagogiques adoptent des propositions qui tendent au même but, la loi nouvelle sur l’organisation de l’enseignement primaire renferme dans son article 68 une disposition spéciale touchant la création et l’organisation des écoles destinées à répandre l’instruction primaire française parmi les indigènes.

Souhaitons que l’ère des résultats s’ouvre prochainement et que le jugement si sévère porté en 1883 par M. l’inspecteur général Foncin cesse d’être vrai. « Que penserait-on de nous, disait-il, dans le monde civilisé, quelle opinion aurions-nous de nous-mêmes, si dans toute la région des Alpes françaises il n’y avait d’écoles que dans certaines. communes privilégiées, et si l’immense majorité de la classe rurale était privée de tous moyens d’instruction ? Cette situation inavouable à la fin du xixe siècle et sous le gouvernement de la République française est pourtant celle de l’Algérie. »