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REVUE PÉDAGOGIQUE

L’installation ne serait pas compliquée :

« Sur un point choisi de chaque tribu, à proximité des différentes parties qui la composent, on installerait un double gourbi, la première moitié servant de logement au maître, la seconde de salle d’école aux enfants. Un jardin autour ; ce n’est pas le terrain qui manque. Le mobilier très simple. Quant au matériel de l’école, ce ne serait rien : une chaise et une table pour l’instituteur, des nattes pour les enfant, un tableau noir, un tableau du système métrique, quelques ardoises et des alphabets : voilà l’école constituée.

Il y en aurait comme cela un millier répandues sur la surface du territoire. Ces mille installations rurales (je prends les chiffres comme on me les donne) reviendraient à un million. »

Où recruterait-on les maîtres ? Dans une certaine catégorie d’habitants de l’Algérie dont l’auteur de ce système propose d’utiliser les connaissances pédagogiques, si élémentaires qu’elles soient.

« Que faut-il que l’instituteur sache ?

Il faut qu’il sache lire et écrire ; qu’il possède quelques notions d’arithmétique et de système métrique, beaucoup de patience et de bon vouloir par-dessus le marché.

Nous avons en Algérie, dit l’auteur de la brochure, trois bataillons d’infanterie légère d’Afrique où sont envoyés, à leur sortie des établissements pénitentiaires, les militaires non condamnés à des peines infamantes et qui, à l’expiration de leur peine, ont encore à passer un certain temps sous les drapeaux.

Il s’y trouve un certain nombre de jeunes gens qui ont reçu dans leur famille une bonne instruction primaire. C’est cette catégorie de déclassés que l’auteur propose d’utiliser d’abord pour la vulgarisation de la langue française.

Ils font un piètre service comme militaires, car ils ont prouvé qu’ils n’aimaient guère le régiment. C’est comme instituteurs qu’ils achèveraient leur temps moyennant une rétribution qui serait naturellement assez faible. Quelques-uns sans doute prendraient goût au métier, demanderaient à rester et passeraient dans une classe supérieure et mieux payée. Ils pourraient se marier, et, dans ce cas, si leur femme voulait se charger de réunir les petites filles de la tribu pour leur faire la classe, elle serait également rétribuée en raison des services rendus. »

Ce système d’une remarquable simplicité avait séduit M. Francisque Sarcey. Mais son article, reproduit par quelques journaux d’Algérie, valut au journaliste diverses réponses qui diminuent sensiblement la valeur de la combinaison proposée. Dans un nouvel article du Gagne-Petit (numéro du 15 mai 1886), M. Sarcey s’en explique ainsi :

« Il faut bien le dire, le projet a rencontré bien des défiances. En Algérie, on n’a pas déjà trop cru aux soldats laboureurs du maréchal Bugeaud. Les soldats instituteurs ont excité une hilarité compatissante et douce.