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Pasquier disant de l’Université, même après sa restauration par Henri IV : « J’y vois bien quelque flammèche, mais non cette splendeur d’études qui reluisait pendant ma jeunesse. »

Je n’essaierai pas, Monsieur le ministre, d’entreprendre ici ni l’étude ni l’appréciation de cette riche littérature scolaire. Le présent volume se borne à en dresser un premier et rapide inventaire. Il pourrait se passer de préface. Mais s’il lui en faut une, elle est toute faite dans un de ces vieux livres de classe que nous essayons de rassembler : c’est une simple page de dictionnaire écrite à Lyon en 1536, non sans quelque amplification oratoire suivant le goût du temps, mais touchante de grandeur et de naïveté.

Étienne Dolet achevait le premier volume de ses Commentaires sur la langue latine, vaste thesaurus, qui pouvait servir, comme celui d’Henri Estienne, de manifeste à la nouvelle pédagogie. Arrivé au mot Literæ, il s’arrête, ne pouvant s’empêcher, dit-il, de saluer les lettres renaissantes et de féliciter son siècle de ce grand événement. Alors, il retrace en un pittoresque tableau ce qui se passe dans le monde depuis près d’un siècle. C’est une immense bataille qui touche à sa fin. « La Barbarie, dit-il, régnait partout en Europe. Tout-à-coup Laurent Valla, assisté de quelques vaillants compagnons d’armes, l’attaque de front. A peine y prit-elle garde, tant la brèche était petite dans ses rangs épais. » Mais voici venir à la rescousse Ange Politien, Pic de la Mirandole, Philelphe, Marsile Ficin « et toute cette illustre génération » qui, bardée d’éloquence, engage la bataille et commence sur un point la déroute de l’ennemi. Bientôt le bruit s’en répand, et de chaque pays accourent les renforts à l’armée des Lettres. L’Italie envoie Bembo et Sadolet, Vida et Sannazar, Alciat, et combien d’autres ; l’Allemagne, Agricola, Erasme, Melanchthon, Ulrich de Hutten ; l’Angleterre, Thomas Morus et Thomas Linacre ; l’Espagne, Louis Vivès. « Quels hommes, et de quel cœur ils combattent pour la cause de la liberté ! »

Et Dolet continue de passer en revue comme dans une vision épique cette grande armée de la Renaissance, notant au passage les chefs les plus illustres : « Je ne nomme que les grands capitaines, dit-il, mais combien de soldats obscurs dont les noms brilleront un jour d’un vif éclat ! » Il arrive enfin à la France