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REVUE PÉDAGOGIQUE

écoute la réponse, qu’il se tienne prêt à la redresser, ou plutôt à la faire redresser. Mais comme l’intérêt est plus grand et le profit aussi ! L’interrogation s’adresse à l’intelligence plus encore qu’à la mémoire de l’élève ; elle force à penser, à exprimer sa pensée ; elle permet d’appeler, d’arrêter son attention sur les points importants, de laisser dans l’ombre ce qu’il y a de secondaire.

Mais vous n’avez pas encore mentionné, me dira-t-on, l’interrogation qui a pour objet de faire trouver la vérité. — J’entends. Vous voulez parler de l’interrogation socratique. Il me semble, pour être franc, qu’on a bien quelque peu abusé du mot en ces derniers temps, et beaucoup qui s’en servent se rendent-ils un compte très net de la chose ? Les sujets auxquels Socrate appliquait sa méthode ne ressemblaient guère à la plupart de ceux que nous traitons dans nos écoles : il mettait d’ailleurs dans cette méthode quelque chose de si particulier, de si personnel qu’il devient singulièrement difficile de se l’approprier. On peut demander aux instituteurs des connaissances et du sens ; on ne peut leur demander de l’esprit : ce serait trop. Or l’interrogation socratique exige, pour être maniée, beaucoup d’esprit ct d’une certaine trempe, très fin, très souple, très retors, et très malin. J’ajoute que fût-on de force à la manier, il faudrait y regarder à deux fois avant de la transporter dans nos écoles. Ces Grecs étaient de grands flâneurs ; on les rencontrait partout dans les rues, dans les jardins publics, devisant, discutant, ergotant ; des esclaves faisaient pour eux leur ménage, travaillaient pour eux ; ils avaient le temps. Nous, nous sommes toujours pressés, ceux-là surtout qui fréquentent l’école primaire ; la vie est là, laborieuse, besogneuse, Haletante, qui les attend, qui va les prendre dès douze, treize ans ; souvent même elle les prend avant ; leurs parents ont besoin d’eux, de leur aide, pour soutenir le rude combat pour l’existence. En peu de temps il faut qu’ils apprennent beaucoup. Au lieu de leur faire chercher la vérité par de longs détours, mieux vaut la leur donner, à condition toutefois de s’assurer qu’ils la comprennent bien afin qu’ils la retiennent.

Vous pourrez cependant à vos heures vous inspirer de So-