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L’INSTRUCTION DES INDIGÈNES ALGÉRIENS

auxquels les indigènes sont très attachés, qui pourraient nous rendre d’immenses services, sont irrévocablement condamnés. C’est en vain que, dans le rapport qu’il a présenté au Conseil supérieur le 23 novembre dernier, M. Boissière a invoqué, en excellents termes, les avantages qu’il y aurait à les conserver :

« Les muftis, les imams et les autres ministres du culte dureront autant que le culte musulman lui-même, que la France s’est fait un devoir et une obligation de respecter… ne serait-ce pas une grande imprudence que de laisser se disperser et s’échapper au loin tous ces étudiants en théologie, tous ces séminaristes musulmans qui s’en iraient demander à Fez, au Caire, hors de notre portée, loin de toute surveillance, un enseignement hostile, des idées de fanatisme, un esprit de propagande politique autant que religieuse qu’ils rapporteraient ensuite à leurs coreligionnaires, à leurs ouailles d’Algérie ? N’est-il pas d’un grand intérêt de garder au milieu de nous ces pépinières théologiques, de les imprégner de notre esprit, d’y exercer toute notre action, de les envelopper de notre surveillance ? Ne nous créons pas, comme à plaisir, notre clergé ultramontain ; ayons en Algérie encore notre église gallicane. »

On ne saurait mieux dire. Tant que nous serons dan ; la nécessité d’employer en Algérie un clergé, des magistrats musulmans, il vaudra cent fois mieux les former dans des établissements soumis à notre contrôle, dans lesquels nous ferons pénétrer peu à peu l’esprit moderne, que de les recruter parmi les fanatiques qui auront été puiser leurs connaissances dans la fameuse mosquée d’El-Azhar ou dans les zaouïas de la Tripolitaine et du Maroc. Ce n’est là, d’ailleurs, qu’un des côtés, le côté algérien de la question. A un point de vue plus général, ne conviendrait-il pas d’instituer une sorte d’enseignement supérieur musulman destiné à porter indirectement notre influence au milieu des populations attachées à l’islamisme ? Nous réunissons sous notre domination en Algérie et en Tunisie quatre millions de musulmans au moyen desquels nous pourrons, lorsque nous le voudrons bien, exercer une action considérable sur tout le nord de l’Afrique. Tout nous commande donc de conserver, en le rajeunissant progressivement, un enseignement supérieur musulman, La tâche n’est pas impossible, quoi qu’en