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REVUE PÉDAGOGIQUE

bat ou même à une situation pire. L’abstention que nous préconisons en cette matière n’est d’ailleurs que provisoire : lorsque tous les Algériens du sexe masculin auront été débarrassés par nos instituteurs des idées fausses qui obscurcissent leur esprit, ils ne tarderont pas à reconnaître que leurs femmes ne doivent pas être laissées dans un état d’infériorité dont ils seront les premiers à souffrir.

Nous n’avons pas davantage à nous préoccuper de l’enseignement secondaire des indigènes : les Arabes, les Kabiles sortis de nos écoles pourront toujours, s’ils le désirent, continuer leurs études, au même titre que les fils des colons établis en Algérie. Mais si nous avons le devoir de ne rien faire qui puisse détourner les indigènes de suivre les cours de nos lycées et de nos collèges, rien ne nous oblige à consacrer des sommes assez élevées à faire donner aux jeunes musulmans une instruction dont il ne savent pas toujours tirer parti et à créer des déclassés dont nous sommes parfois fort embarrassés. Nous avons toujours regretté que l’argent employé au profit de quelques rares privilégiés à fonder les collèges arabes d’Alger et de Constantine, et plus tard à entretenir des boursiers indigènes dans nos établissements d’enseignement secondaire, n’ait pas été, et ne soit pas, en ce moment même, employé à doter d’écoles les tribus qui en manquent et qui en manqueront malheureusement très longtemps encore. En agissant ainsi, on n’eût pas mérité le reproche de commencer par le toit la construction de l’édifice.

Cette observation s’applique également aux établissements d’enseignement supérieur, à l’exception toutefois de l’enseignement donné dans les trois établissements (medraça) spéciaux aux musulmans. Ces établissements sont destinés à former des candidats aux emplois de la justice et du culte musulmans. Outre la langue française, l’histoire, la géographie, l’arithmétique, les principes du droit français, on y enseigne la langue et la littérature arabes, la théologie et le droit musulman. Les medraça sont établies à Alger, à Constantine et à Tlemcen. Elles ont été placées récemment sous l’autorité directe du recteur,’mais cette mesure n’a pas arrêté leur déclin et bientôt, si on n’y porte pas remède, les medraça auront vécu. Or l’opinion publique en Algérie est hostile aux medraça, et ces établissements,