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L’INSTRUCTION DES INDIGÈNES ALGÉRIENS

facilité : mieux eût valu dès lors de ne pas nous exposer une fois de plus au reproche de versatilité que nous avons si souvent mérité.

Nous nous sommes longuement étendu sur les critiques que soulèvent certaines dispositions du décret du 13 février. Mais ces critiques portent sur des points secondaires ; la pratique révélera les améliorations de détail dont ce décret est susceptible, et il sera facile de les effectuer à mesure que le besoin s’en fera sentir. Tel qu’il est, ce décret a un grand mérite ; il existe, il marque chez ses auteurs un vif désir d’entreprendre, après la conquête matérielle, la conquête morale de l’Algérie ; l’administration de l’instruction publique en poursuit l’application avec une louable ardeur, et il ne se passe guère de semaine que le Journal officiel de l’Algérie n’enregistre la création de nouvelles écoles. Ce mouvement ne peut que s’accentuer, car les besoins à satisfaire sont considérables. Pour connaître l’étendue des sacrifices que les communes et l’État devront s’imposer, un recensement de la population scolaire a été effectué. A cette occasion une certaine agitation se manifesta chez les indigènes, qui ne comprenaient pas le but de ce recensement ; mais ils ont été vite rassurés par les explications qui leur ont été fournies, et, sauf un certain nombre de conservateurs que la diffusion de l’instruction menace dans leurs privilèges, la grande majorité des indigènes ne témoigne d’aucune hostilité contre nos écoles. Loin de là, dans un grand nombre de localités, les notables musulmans demandent avec une vive insistance la création d’établissements scolaires, et l’administration est impuissante à donner satisfaction à tous.

Le décret du 13 février 1883 est à bon droit muet sur la question de l’enseignement des filles. Cette question est en effet de celles qu’il ne faut trancher qu’avec une extrême circonspection. Car, en cette délicate matière, il serait imprudent de devancer le progrès des mœurs. Or, dans l’état actuel des choses, toute tentative pour élever la femme indigène au-dessus du niveau que les préjugés lui assignent dans la famille musulmane soulèverait les susceptibilités des Arabes et des Kabiles. En outre, toute femme élevée dans nos écoles trouverait difficilement à se marier parmi es indigènes : elle serait vouée au céli-