Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/218

Cette page n’a pas encore été corrigée
208
REVUE PÉDAGOGIQUE

gereux ennemis et qui nous seront bien plus hostiles encore lorsque, par la création de nos écoles, nous leur aurons enlevé leur gagne-pain ; en outre, grâce à l’ignorance des tolbas et à la prodigieuse insuffisance de leurs méthodes, nous pouvons être assurés que les élèves indigènes sauront tout juste de l’arabe ce que notre intérêt bien entendu exige qu’ils en sachent.Il doit être bien entendu d’ailleurs, comme le fait remarquer M. Foncin, que les tolbas ainsi employés, transformés même, en certains cas, en surveillants, sont désormais à nos gages et que la moindre incartade, le moindre commentaire factieux, leur ferait perdre leur place.

En ce qui concerne la langue berbère, que le décret du 13 février met sur le même rang que la langue arabe, la situation est tout autre. Nous ne devons certes pas renouveler la faute qui a été commise à une autre époque de hâter le remplacement de la langue des habitants primitifs du pays par la langue arabe. Mais il ne faut pas non plus, par un esprit de réaction mal entendue, nous efforcer de maintenir un dialecte qui n’a pas de littérature et qui ne s’écrit même pas, du moment où c’est notre langue qui doit profiter de sa disparition. Nous n’avons pas’plus d’intérêt à faire enseigner le berbère dans nos écoles de Kabilie qu’il n’y en a à faire donner des leçons de bas-breton dans les écoles du Morbihan ou du Finistère.

Nous ne saurions trop approuver l’institution d’encouragements à distribuer aux élèves qui se distingueront par leur assiduité et leur travail. C’est par des dons de vêtements, de chaussures, d’objets de toilette tels qu’une chéchia (calotte), que certains directeurs d’écoles arabes-françaises étaient parvenus à élever ces établissements à un degré de prospérité qu’ils ne connurent plus dès que ces encouragements furent supprimés. Toutefois il y a tout lieu de craindre que la prime de 300 francs promise à tout indigène qui saura le français ne puisse être maintenue que bien peu de temps, car elle finirait par absorber des sommes considérables qui pourraient recevoir un emploi beaucoup plus fructueux : l’engagement pris par le décret du 13 février ne peut donc guère tarder à devenir caduc ; il ira rejoindre les innombrables promesses dont nous avons été si prodigues envers les indigènes et que nous avons oubliées avec tant de