Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/217

Cette page n’a pas encore été corrigée
207
L’INSTRUCTION DES INDIGÈNES ALGÉRIENS

Parmi les matières enseignées dans les écoles ouvertes aux indigènes figurent l’arabe et — dans les pays kabiles — la langue berbère.

De nombreuses raisons justifient l’enseignement de la lecture et de l’écriture de la langue arabe. Si l’Algérie était isolée du reste du monde musulman, on comprendrait, à la rigueur, que nous prissions des mesures pour arriver à l’élimination graduelle de cette langue. Mais il n’en est pas ainsi : les indigènes algériens, en relations suivies avec le Maroc et avec l’Orient, ont un intérêt commercial très sérieux à la conservation de leur idiome. Il ne faut pas perdre de vue, en outre, que l’arabe est la langue religieuse de cent quatre-vingt millions d’individus et que nos sujets musulmans attachent une très grande importance à ce que leurs enfants sachent lire le Coran. Il suffira, dès lors, que la lecture et l’écriture de l’arabe soient enseignées dans nos écoles pour que toutes les préventions que les indigènes nourrissent contre elles disparaissent. Mais est-il nécessaire pour cela, comme l’exige le décret du 13 février, que les directeurs des écoles établies dans les communes indigènes, que les instituteurs qui seront placés dans les communes ordinaires et dans les communes mixtes justifient de la connaissance de la langue arabe ? Nous ne le pensons pas. Cette exigence, si elle était maintenue, restreindrait singulièrement le nombre, déjà si peu considérable, des personnes parmi lesquelles on pourra choisir des maîtres pour les écoles à créer. Il semblerait donc que cette partie du programme fût condamnée à rester lettre morte. Mais — et c’est là un point sur lequel nous appelons particulièrement l’attention — cette difficulté de recruter des instituteurs capables d’enseigner les éléments de la langue arabe nous permettrait d’associer à l’œuvre civilisatrice que nous entreprenons chez les indigènes les « tolbas » qui donnent actuellement l’enseignement dans les « zaouïas » (écoles musulmanes). Ces tolbas pourraient être chargés, au prix d’une rétribution très modique, calculée d’après le nombre d’élèves qu’ils amèneraient au maître de l’école française, de l’enseignement de l’arabe et de la lecture du Coran. Nous atteindrions ainsi un double résultat. D’une part, nous attacherions à notre cause, par les liens tout puissants de l’intérêt personnel, des hommes qui sont nos plus dan-