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L’INSTRUCTION DES INDIGÈNES ALGÉRIENS

traitement mensuel de 50 francs comme instituteurs de quatrième classe, suffirait à leurs besoins en pays arabe.

Ce projet, très séduisant si l’on ne considère que l’économie qui résulterait de sa mise à exécution, soulève de nombreuses objections que M. Machuel, directeur de l’enseignement à Tunis, a fort bien résumées dans un rapport que nous avons sous Îles yeux.

« Sans doute, dit-il, le recrutement proposé par l’auteur de la brochure serait peu coûteux. Mais ce recrutement serait-il aussi bon que l’affirme celui qui le préconise ? Ces jeunes gens, éloignés de toute surveillance effective, n’ayant plus à redouter les punitions disciplinaires, feraient-ils leur devoir avec zèle et conscience ? On est en droit d’en douter. N’est-il pas à craindre en outre qu’ils n’apportent dans leurs écoles quelques-unes de ces habitudes déplorables que les détenus contractent dans les prisons ? Nous ne devons pas perdre de vue que notre tâche n’est pas seulement d’instruire les indigènes, mais aussi de les moraliser, et que nous devons leur donner l’exemple d’une honnêteté parfaite et de mœurs irréprochables. L’instituteur doit être à la fois le conseiller des parents et le professeur des enfants, et il est nécessaire que tous aient en lui la plus entière confiance. Il serait prudent d’éviter que les indigènes ne formulassent contre nous l’accusation d’avoir envoyé au milieu d’eux, pour enseigner notre langue, des hommes fraîchement sortis de prison. » M. Hartmayer avait prévu cette objection et, tout en en contestant la gravité, il propose d’utiliser les sections de mutilés qui n’ont commis qu’une faute envers la loi du recrutement en voulant échapper au service militaire par la mutilation. Ici encore nous nous heurtons à la difficulté de placer au milieu des tribus arabes des hommes qui se sont décerné à eux-mêmes une sorte de brevet de lâcheté : quelle autorité morale pourraient-ils exercer sur les populations guerrières qu’ils auraient à instruire ?

M. le capitaine Hartmayer nous paraît beaucoup mieux inspiré lorsqu’il pose en principe — comme l’avaient fait M. Frin et M. Henri Lebourgeois — que pour les écoles rurales, il n’est pas nécessaire de faire de grandes dépenses de construction pour les bâtiments scolaires, ni d’avoir un personnel enseignant