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L’INSTRUCTION DES INDIGÈNES ALGÉRIENS

D’ailleurs, il suffit, pour constater l’impossibilité de confondre sur les mêmes bancs les élèves de toute origine, de faire remarquer que les indigènes, ignorant absolument notre langue, devront passer par une sorte d’école de civilisation avant de se mêler aux Européens qui tous comprennent et parlent le français. C’est à cette nécessité que pourvoit fort sagement l’article 39 du décret, lequel est ainsi conçu :

« Dans toute école publique comptant au moins 25 élèves indigènes, l’instruction de ces élèves, pendant la durée du cours élémentaire, sera confiée de préférence à un adjoint indigène muni du brevet de capacité, ou, à son défaut, à un auxiliaire ou moniteur indigène muni du certificat d’études. »

Mais du moment où l’on admet que, pendant la durée du cours élémentaire, les indigènes pourront être réunis dans une division spéciale, sous la direction d’un maître particulier, on ne peut que regretter que les dispositions édictées pour les communes indigènes n’aient pas été étendues aux communes de plein exercice et aux communes mixtes. Le décret du 13 février stipule, en effet, comme nous l’avons vu, qu’il sera établi, dans les communes indigènes, deux sortes d’écoles : des écoles principales ou de centre dirigées par un instituteur français, et des écoles préparatoires confiées à des moniteurs indigènes placés sous la surveillance du directeur de l’école principale. Cette organisation offre de nombreux avantages. Elle permet d’utiliser les locaux existants, elle atténue singulièrement les difficultés d’ordre budgétaire que soulèvent le recrutement du personnel enseignant et la construction des deux ou trois mille écoles jugées nécessaires ; enfin, elle donne la faculté d’établir les instituteurs indigènes au milieu des populations qu’ils sont appelés à desservir. Ces considérations sont d’une très grande importance. Il ne faut pas perdre de vue, en effet, que, dans les campagnes, les populations européennes et indigènes forment des groupes absolument séparés les uns des autres. Or, ainsi que le fait remarquer M. Brihmat, auteur d’une brochure relative au décret du 13 février, si l’école est établie au milieu du village européen, comme dans un périmètre de quatre ou cinq kilomètres les fermes appartiennent à des Européens, les indigènes se trouvent forcément éloignés de l’école.