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L’INSTRUCTION DES INDIGÈNES ALGÉRIENS

d’autres… Les anciens élèves de nos lycées et collèges d’Algérie ne sont pas tous rentrés sous la tente, loin de là. Les uns sont interprètes militaires ou judiciaires ; d’autres sont khodja auprès des administrateurs des communes indigènes. »

Dans les lignes qui précèdent, M. Foncin fait toucher du doigt le vice fondamental des essais auxquels on s’est livré jusqu’ici : en n’ouvrant pas des écoles pour tous les indigènes, on taisait des déclassés de tous ceux qui ne réussissaient pas à trouver au terme de leurs études une place dans les fonctions publiques et qui retombaient dans le milieu à demi-barbare d’où ils avaient été momentanément tirés. Mais cela prouve-t-il, comme certains l’affirment, que les indigènes ne peuvent pas dépasser un certain niveau intellectuel ? En aucune façon. D’ailleurs, lors même qu’il serait établi — contrairement à ce qui nous paraît l’évidence même — que les races sémitique et berbère ne peuvent s’élever jusqu’à nous, serions-nous dispensés de créer, pour les Arabes et les Kabiles, des écoles en rapport avec leurs besoins et leurs facultés ? N’avons-nous pas le devoir de civiliser dans la mesure du possible les populations soumises à notre domination ? Et notre intérêt n’est-il pas en ceci d’accord avec notre devoir ? Pour tous ces motifs, on ne peut que louer sans réserves les auteurs du décret du 13 février 1883 d’avoir établi tout un enseignement pour les indigènes. Malheureusement, certaines dispositions de ce décret sont de nature, si on n’y prend pas garde, à frapper de stérilité les efforts que fait l’administration en vue de répandre l’instruction parmi les musulmans de l’Algérie.

Les rédacteurs de ce décret, épris d’un idéal qui sera peut-être atteint un jour, ont cru que l’on pouvait réunir sur les mêmes bancs les jeunes indigènes et les enfants des colons. Or, sauf en ce qui concerne l’élite de la population musulmane, c’est là une pure utopie. Rien ne sera plus aisé que de lever les scrupules que les pères de famille indigènes pourraient avoir à nous confier leurs enfants : il suffira pour cela de tenir la main à ce que les stipulations du décret qui garantissent formellement la liberté de conscience soient strictement observées. Mais la résistance viendra d’ailleurs, et elle aura pour conséquence l’exclusion de nos écoles des jeunes musulmans. Il ne faut pas perdre