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REVUE PÉDAGOGIQUE

du recteur ; son traitement est à la charge de l’État et de nombreux avantages sont stipulés en sa faveur.

Ce décret mérite, dans son ensemble, une entière approbation. Toutefois, si, en ce qui concerne les Européens, il ne paraît devoir soulever aucune critique sérieuse, il n’en est pas de même pour ce qui touche à l’enseignement des indigènes. Cette partie du problème algérien est en effet celle qui a donné lieu aux solutions les plus variées et les plus contradictoires. Nous ne parlerons pas des objections qu’a soulevées le principe même de la diffusion de l’instruction chez les Arabes et les Kabiles de l’Algérie. Dans une remarquable étude publiée par la Revue Internationale de l’Enseignement, et que nous aurons plus d’une fois occasion de citer, M. Foncin en a fait justice. Quant à la prétendue incapacité des races indigènes de l’Algérie, elle ne soutient pas davantage l’examen. On cite, il est vrai, l’exemple de jeunes Arabes qui, rendus à eux-mêmes, après avoir reçu une éducation européenne, sont retournés sous la tente, y ont repris les mœurs de leurs pères et sont aujourd’hui nos pires ennemis. « Comment en serait-il autrement ? Ce serait miracle en vérité qu’un jeune homme replongé tout à fait dans la société barbare qu’il avait quittée, mais qu’il n’avait jamais perdue de vue, y conservât seul parmi tous les siens une originalité artificiellement}acquise, qu’il résistât indéfiniment aux sollicitations du climat, de l’hérédité, aux séductions de l’exemple, à l’empire plus puissant encore du respect humain. Il n’est même pas surprenant que plusieurs, pour se faire pardonner aux yeux de la foule une éducation qui peut paraître une sorte d’apostasie, se croient obligés d’affecter l’intolérance et le fanatisme. Ces exemples ne prouvent rien contre l’éducabilité de la race ; ils montrent simplement que l’individu abandonné à lui-même dans un milieu hostile ne parvient pas à vaincre ce milieu et succombe dans une lutte inégale… Pour instituer une expérience probante, au lieu d’instruire quelques individus isolés, il eût fallu ouvrir des écoles à toute une génération. Peut-être qu’alors les écoliers, formant une masse compacte et se prêtant un mutuel appui, auraient eu la force de réagir contre le milieu arabe et l’auraient modifié. Mais.cette expérience en grand n’a jamais été tentée. Les exemples qu’on nous oppose sont d’ailleurs contredits par