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REVUE PÉDAGOGIQUE

Ainsi, sur 3,310,000 habitants, on compte à peine 235,000 Français d’origine, soit moins du quatorzième de la population totale. En outre, la population étrangère s’accroît dans une proportion plus considérable que la population française : tandis que dans l’intervalle d’un recensement à l’autre le nombre de nos nationaux croissait de 17 %, les Espagnols s’augmentaient de 21 % et les Italiens de 28 %, en sorte que le moment n’est pas éloigné où, si l’on n’y prend pas garde, l’Algérie sera une colonie européenne où les Français seront réduits à l’état d’imperceptible minorité.

Cette situation si pleine de dangers pour l’avenir ne pouvait échapper à ceux que préoccupe le sort futur de notre colonie africaine et qui demandent que l’on prenne toutes les mesures nécessaires pour fondre, en un seul corps de nation, les éléments si divers qui peuplent l’Algérie. Or pour atteindre ce résultat il n’est qu’un moyen : l’instruction. C’est par l’instruction que nous pouvons façonner les jeunes générations et les préparer, par une éducation essentiellement nationale, à entrer, par la naturalisation, dans la grande famille française. En cette matière les Américains qui nous ont donné l’exemple à suivre.

« C’est par une immigration incessante que ce pays s’est peuplé, dit M. Buisson dans son rapport sur l’Exposition de Philadelphie ; or que lui apporte cette immigration ? Des hommes de toute race, de toute origine, de toute classe, de toute religion. Établis sur le sol américain, les nouveaux venus tendent naturellement, à leur insu même, à se reconstituer en se groupant d’après leur nationalité… À défaut des affinités de race, ils suivront celles de la religion… Tels sont les éléments dont il faut faire un peuple sans contrarier le culte des souvenirs nationaux et religieux, sans imposer à aucun de ces groupes aucun genre de contrainte ; il faut, comme on dit aux États-Unis, les « américaniser » le plus rapidement possible. Il faut qu’au bout d’une ou deux générations, Irlandais, Allemands, Français, Scandinaves, Espagnols n’aient plus la moindre velléité de constituer une nation dans la nation, mais soient eux-mêmes devenus la nation américaine et s’en fassent gloire.

» Quel est l’instrument de cette merveilleuse transformation ? Tous les hommes d’État vous le diront : C’est l’école publique,