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REVUE PÉDAGOGIQUE

garçon. La réalité n’est pas toujours si clémente ! Une démarche gravement compromettante rend le mariage nécessaire : Isabelle épouse Valère. Par quelque moyen qu’il ait été obtenu (Molière n’est pas Berquin), nous applaudissons à ce dénouement, parce qu’il nous déplaisait de voir Isabelle à jamais malheureuse pour avoir été livrée par le sort à Sganarelle, comme pupille d’abord, comme épouse ensuite ; nous y applaudissons surtout parce qu’il est désagréable à Sganarelle, qu’il couvre Sganarelle de confusion et que nous détestons Sganarelle. Par là même la démonstration manque de rigueur. Entre les deux systèmes Molière n’a pas tenu la balance assez égale ; il a fait la part trop belle au système de la douceur : il lui a donné pour adversaire Sganarelle. Nous nous sommes prononcés d’après les personnes qui représentent l’un et l’autre système plus que d’après les systèmes eux-mêmes.

Térence s’est placé à un point de vue moins restreint. Dans sa pièce, Déméa, le représentant des idées rigoureuses, je crois l’avoir montré. ne fait pas déjà si sotte et si méchante figure. Avez-vous de plus remarqué que les deux jeunes gens si différemment élevés commettent l’un et l’autre des fautes ? N’est-ce pas une manière d’inspirer un peu plus de modestie aux éducateurs qui fout sonner si haut leur système, de leur prouver que l’éducation est chose difficile, délicate, que les plus habiles y peuvent parfois faillir, qu’il n’y suffit pas de vues arrêtées, raisonnées, systématiques, que les vues systématiques ont même leur danger. parce qu’elles sont exclusives ? Ce qui serait assez mon avis. Il est clair pourtant que Térence donne la préférence à l’éducation qui use surtout de douceur et d’indulgence, qui fait appel aux bons sentiments de l'enfant, à son affection et à sa confiance. Cela, disons-le, est à son honneur ; cela d’ailleurs s’accorde avec ce que nous savons de lui, de son tour d’esprit et de son caractère. Térence est un poète humain, je veux dire qui comprend l’homme, aime l’homme. N’est-ce pas de lui ce vers si souvent cité, si digne en effet d’être remarqué dans le temps où il a été écrit : « Je suis homme et rien de ce qui est de l’homme ne saurait me laisser froid. » Mais de ce système d’éducation qu’il préfère, Térence tient à nous indiquer le péril, sa facilité à s’exagérer, la faiblesse se couvrant du nom de bonté, le laisser-aller