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REVUE PÉDAGOGIQUE

remplaça quelquefois son cours public par des conférences particulières dans sa propre maison, d’où les mauvais élèves se trouvaient naturellement exclus.

Une autre difficulté de Muret à Rome, c’est que son enseignement n’y était point libre. Sous prétexte d’en assurer l’orthodoxie, une congrégation de cardinaux y maintenait les méthodes les plus surannées. « La défense d’innover s’étendait à tout, dit M. Boissier, et la routine était aussi sacrée que le dogme. » On ne lui laissait pas expliquer les dialogues de Platon ou les traités d’Aristote, la plupart de ses auditeurs ne sachant pas le grec, et, pour le latin, il lui était recommandé de s’en tenir à Cicéron et de ne point passer à Tacite. D’un caractère facile, Muret céda tout en maugréant, et il lui fut ainsi permis d’enseigner à Rome, pendant vingt ans, sans avoir aucune mauvaise affaire avec un pouvoir ombrageux.

M. Boissier, en nous racontant les luttes suscitées par les idées nouvelles, fait très justement remarquer l’habileté que montrèrent les jésuites pour attirer à eux la bourgeoisie. Dans leur Ratio studiorum, ils firent d’habiles concessions aux études littéraires telles que les inauguraient les humanistes de la Réforme, mais ils maintinrent tout le reste. Ils évitèrent les fautes qu’ils voyaient commettre autour d’eux et opposèrent à la turbulence des universités la discipline de leurs maisons. « En prenant à leurs adversaires la principale raison de leurs succès, ils conservèrent à l’Église catholique les classes moyennes qu’elle était entrain de perdre. »

Le But supérieur de la pédagogie, par M. F. Pillon (La Critique philosophique, n° du 2 décembre 1882). — Sous ce titre, M. F. Pillon reproduit une bonne partie de l’article de M. F. Pécaut, qui a été publié dans notre numéro d’août 1882, et il fait suivre cette citation des réflexions suivantes :

« Le but de la pédagogie est, comme on le voit, selon M. Pécaut, de former des esprits libres, actifs, forts, sains, bien équilibrés. Il faut, dit-il, qu’elle inculque aux jeunes maîtres et par eux à tous les enseignements spéciaux cette loi suprême : susciter la santé intellectuelle, c’est-à-dire l’initiative, la curiosité sérieuse, l’énergie soutenue et persévérante. La santé intellectuelle est, à ses yeux, la qualité fondamentale à laquelle toutes Les autres qualités empruntent leur portée véritable, leur bon ou mauvais aloi. Susciter la santé de l’esprit est office d’éducation, non d’instruction proprement dite. C’est donc de l’éducation intellectuelle que l’on doit avant tout se préoccuper. [l s’agit bien moins de remplir l’esprit que de le former et de le mettre en état de s’appliquer à tous objets, d’acquérir toutes connaissances, selon les désirs, les besoins, les devoirs. Les facultés de l’élève doivent être considérées, non comme des capacités vides