Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1883.djvu/72

Cette page n’a pas encore été corrigée
62
REVUE PÉDAGOGIQUE

Ne reconnaît-on pas, dans ce maître du moyen âge qui répète toujours le même livre, dicte des cahiers, l’ancêtre trop écouté, trop fidèlement suivi de certains de nos instituteurs ou même de nos professeurs d’école normale ? Pour eux, l’esprit était un vase qu’il s’agissait de remplir plutôt qu’une source d’où il fallait faire jaillir des eaux vives.

M. Boissier montre admirablement que ce qui sembla n’être d’abord qu’un changement de méthode aboutit à une révolution dont toute la société se ressentit. L’enseignement de l’Université ne fut plus seulement une préparation pour les clercs, pour ceux qui prétendaient à la situation privilégiée que l’Église faisait à ses serviteurs ; il s’adressa à tout le monde et par suite devint attrayant et facile. Ramus, qui est l’apôtre des réformes nouvelles, se préoccupe « d’oster du chemin des arts libéraux les espines, les cailloux, et tous empeschemens et retardemens des esprits, de faire la voye droite et plaine pour parvenir plus aisément, non seulement à l’intelligence, mais à la pratique et à l’usage des arts libéraux. » Tous les bons esprits sont conviés à apprendre, et il fait pour eux une grammaire française publiée en français et non en latin : grande nouveauté ! Ce qui, au moyen âge, était une sèche analyse de Priscien et de Donat, devient avec la Renaissance « une éducation générale, vivante, humaine ». Il se forme une classe d’hommes éclairés, actifs, libéraux, ayant le sentiment de leurs droits et de leurs devoirs, et c’est par eux qu’au siècle suivant la France deviendra si grande.

M. Gaston Boissier se trouve amené, par le récit des difficultés qui assaillirent Baduel dans l’administration du Collège des arts à Nîmes, à examiner la question, si souvent débattue, de la part à faire aux pouvoirs locaux dans la direction des établissements d’instruction publique. Les lettres patentes qui avaient fondé l’université nîmoise disaient qu’elle élirait ses officiers et se gouvernerait elle-même. Baduel fit créer un conseil composé de citoyens lettrés, nommés gymnasiarques, qui, avec les professeurs des diverses classes, devait décider de ce qui se rapportait à la discipline et aux études. Mais cela n’assura pas la bonne harmonie dans le collège. Les choix portaient quelquefois, pour le professorat, sur des brouillons vaniteux qui introduisaient la discorde dans la compagnie. Les coups d’épée se mêlaient aux coups de langue, et on comprend ce que devenaient alors les études. « Les bons citoyens gémissaient, dit M. Boissier, les brouillons se partageaient entre les deux rivaux, les procès naissaient les uns des autres. Il me semble qu’une leçon se dégage de cette histoire : lorsqu’on voit quels désordres peuvent se produire quand l’éducation est tout à fait abandonnée aux particuliers et aux villes, on devient moins défavorable au système qui la met dans la main de l’État. »

Une des choses qui durent frapper le plus les esprits, c’est que