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LA PRESSE ET LES LIVRES

Mais nous ne voyons nulle part se produire, nous ne dirons pas cette conspiration unanime et universelle des « familles » qu’imagine M. Deville, mais même, dans un centre quelconque, dans ceux qui sont réputés comme les plus accessibles aux idées et aux sentiments dont M. Deville se fait l’organe, un mouvement populaire quelconque qui puisse faire supposer que ces « familles » veulent vraiment secouer le joug d’une loi odieuse et insupportable. Le jour où cela arrivera, il sera temps, selon nous, de demander aux législateurs « éclairés ou contraints » l’abrogation de la loi du 28 mars. Jusque-là, il faut faire comme M. Deville lui-même, ne pas se mettre en colère, et s’y conformer.

Pages choisies d’Edgar Quinet, à l’usage des lycées et des écoles ; 1 vol. in-19, Paris, Hachette et Cie, 1883. — C’est une heureuse idée que d’avoir réuni dans ce petit volume, à l’usage des élèves de nos écoles, un certain nombre de pages choisies dans les principales œuvres d’Edgar Quinet. Il était difficile de présenter à la jeunesse un maître plus éloquent, et des leçons plus élevées de patriotisme et de forte et saine philosophie. La série des ouvrages auxquels ont été empruntés ces extraits embrasse une période de trois quarts de siècle. Un fragment autobiographique, tiré de l’Histoire de mes idées, nous montre le jeune Quinet au collège de Lyon en 1817 ; nous le voyons ensuite visitant les ruines d’Athènes en 1829 (la Grèce moderne), célébrant la cathédrale de Strasbourg et ses merveilles (A hasvérus), décrivant l’admirable mosquée de Cordoue (Mes vacances en Espagne). Plus loin viennent quelques passages des poèmes, entre autres une belle scène du drame des Esclaves ; puis de nombreux morceaux traitant diverses questions d’histoire, d’art, de morale, de philosophie naturelle, tirés d’Allemagne et Italie, du Génie des Religions, des Révolutions d’Italie, de Marnix de Sainte-Aldegonde, de la Révolution, de l’Histoire de la Campagne de 1815, et de ce livre étonnant, la Création, où Quinet a retracé avec tant de grandeur et de poésie le tableau des découvertes de la science moderne. Signalons particulièrement une page exquise, la description de Lutèce à l’époque gauloise (Merlin l’Enchanteur), et un remarquable chapitre de la Philosophie de l’histoire de France, : l’auteur y proteste contre la doctrine fataliste, qui a si longtemps prévalu chez nous dans l’enseignement historique, suivant laquelle le despotisme de la monarchie absolue aurait été une préparation nécessaire à l’avénement de la démo-Cratie. Le volume se termine par quelques fragments des deux derniers livres de Quinet, la République et l’Esprit nouveau, où l’auteur a résumé l’ensemble des idées qui constituent sa foi politique et philosophique, ses aspirations vers un avenir de lumière sereine, de paix sociale et de réconciliation de l’homme avec lui-même et avec sa destinée.

Ce livre ne peut manquer de devenir promptement l’un des clas-