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REVUE PÉDAGOGIQUE

munes algériennes sont loin d’être riches et elles se sont déjà imposé, pour organiser l’instruction primaire, les plus lourds sacrifices. L’État interviendrait pour supporter les frais d’édification ou d’agrandissement d’écoles et pour rétribuer le personnel supplémentaire qu’il faudrait ajouter à l’ancien. C’est, à peu de chose près, ce qui se passe dans beaucoup de communes de la métropole, où l’on construit les bâtiments scolaires au moyen d’avances faites par la caisse des écoles et où l’État prend à sa charge tout ou partie des frais du personnel.

Dans les communes rurales de plein exercice, les conditions ne sont plus les mêmes. La proportion des habitants indigènes est incomparablement plus forte ; ils vivent souvent disséminés sur d’assez grands espaces, avec des moyens de communication très imparfaits ; ils sont d’ailleurs moins maniables que les Maures. L’obligation serait assez mal accueillie par eux et d’ailleurs inapplicable. Pour quelque temps on devra se résigner à ne pas pousser vers l’école par la contrainte la totalité des enfants : on se bornera à en attirer un certain nombre. Ce nombre sera d’autant plus élevé que les moyens employés auront été mieux choisis. Nous en proposons deux qui nous paraissent efficaces : 1° création dans toute école de village d’un emploi d’adjoint indigène ; 2° établissement de primes en argent ou en nature pour les meilleurs élèves indigènes. L’adjoint indigène serait placé sous la direction de l’instituteur ; point ne serait besoin d’un grand clerc : le moindre thaleb possédant d’une manière passable les éléments de sa langue suffirait. Sa tâche serait d’enseigner la lecture, l’écriture et les rudiments de la grammaire arabes à tous les élèves indigènes ou européens. De même, les maîtres français donneraient l’enseignement ordinaire à tous les enfants, sans distinction d’origine. On obtiendrait ainsi de très sérieux avantages : en même temps que les jeunes musulmans apprendraient le français, les jeunes Européens se familiariseraient avec une langue dont la connaissance doit leur être plus tard presque indispensable. On éviterait aussi de parquer les indigènes, on réunirait les enfants de toute race dans les mêmes études, ce qui est la meilleure façon de les rapprocher et de faire disparaître les préjugés et les haines. Enfin, il est certain que la présence du thaleb enseignant la langue du Coran désarmerait les