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métier. Se charger d’un enfant, c’était, pour les solitaires de Port-Royal, garder une âme à Jésus-Christ ; c’était aussi travailler à leur propre salut. On conçoit dès lors que rien ne leur coûtât quand il s’agissait de leurs élèves : de là, cette vigilance assidue, cette charité inépuisable, cette préoccupation incessante de les faire avancer dans les lettres et dans la vertu. Ce sont des conditions particulières qu’il eût été difficile de généraliser.

En somme, ce n’est guère que de 1646 à 1656 que les écoles de Port-Royal ont été réellement constituées, puisque auparavant on s’était borné à de simples essais et qu’après 1656 on ne trouve plus que des débris. Il ne semble pas d’autre part que, même au moment où elles furent le plus nombreuses et le plus florissantes, elles aient réuni plus d’une cinquantaine d’élèves à la fois. Y a-t-il eu seulement cent enfants qui y furent élevés, même partiellement ? Il serait difficile de l’affirmer[1]. C’en fut assez pourtant pour former des hommes qui sont comme une race à part, pour créer un type qui se reconnaît parmi les générations du siècle et qui s’est même conservé au delà. C’en fut assez aussi pour marquer dans l’enseignement une trace profonde et qui dure encore. Cette influence des Petites Écoles, c’est surtout à l’esprit de leur enseignement qu’elles le doivent, à l’excellence de leurs méthodes, aux livres qu’elles ont suscités, et qui furent le fruit de l’expérience acquise par leurs différents maîtres. Caractériser cet enseignement et l’apprécier pourra faire l’objet d’un article ultérieur.



  1. M. Compayré, dans son Histoire des doctrines de l’éducation en France, suppose qu’il y en eut peut-être un millier. C’est évidemment un chiffre beaucoup trop élevé.