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L’AFRIQUE ÉQUATORIALE.

trente-trois ans, a vécu en pleine Afrique, depuis le cap de Bonne-Espérance et des Aiguilles jusqu’à l’Équateur, s’y est créé une nouvelle patrie et y a inscrit pour ainsi dire son nom à chaque pas. Son caractère explique son œuvre : il a marché presque seul, avec deux ou trois compagnons et quelques serviteurs ; ses armes ont été la douceur et la persuasion ; il a été puissant par la bonté ; c’est un vrai missionnaire, inspiré par l’amour des hommes et la pitié envers ceux qui souffrent. Il avait horreur de l’esclavage, et il a lutté contre lui de sa parole et de son exemple ; il a résisté tour à tour aux Boers Hollandais et aux Arabes qui le pratiquaient ; il a été un père pour les populations noires qui l’ont chéri ; et, si son enseignement religieux n’a pas été plus fécond, il ne faut pas s’en prendre à lui, mais à la misère et à l’ignorance des êtres infortunés auxquels il enseignait l’Évangile et qui ne le comprenaient pas. Il avait une belle âme et un cœur haut ; et il a donné, entre tous les explorateurs de terres inconnues, le plus large et le plus grand exemple de dévouement.

Livingstone toucha au Cap et gagna par mer la baie d’Algoa et le port Elisabeth. C'est de là qu’il partit pour l’intérieur ; il voyageait en char avec des bœufs ; il franchit les montagnes de la côte, les Nieuwveld et le désert de prairies qui les sépare du fleuve Orange. Ce fleuve passé en face de Klaarwater, il atteignit Kuruman, le chef-lieu des missions du pays, puis, se portant plus au nord, il s’établit à Kolobeng, à peu de distance de Shokouané, capitale du roi Séchélé, déjà converti au christianisme. Sous la direction de son beau-père, le vénérable pasteur Moffat, il fit son noviciat d’Afrique, et sa femme s’associa à son tour à tous ses travaux et à toutes ses fatigues. Missionnaire à poste fixe avant d’être missionnaire voyageur, il vécut en Africain au milieu des Bakaas ou Bakouenas ; il bâtit sa maison et cultiva son champ. Il se mêlait à la vie des noirs, prêchant au temple, dans la plaine, à la chasse, les suivant partout et non sans danger ; il manqua un jour d’être tué par un lion qui lui fracassa l’épaule. Le pays est fertile et les hommes sont doux, car l’esclavage les atteint à peine ; il apprit leur langue et celle de leurs voisins ; il se rompit aux marches et s’habitua à l’inclémence des saisons et du climat : robuste de corps, ferme