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L’INSTRUCTION OBLIGATOIRE EN ALSACE-LORRAINE.

Lorraine venait d’être arrachée par la force à la mère patrie ; les populations souffraient dans tout ce qu’elles avaient de plus cher et de plus sacré ; toutes les familles portaient le deuil de la patrie ; il n’y en avait pas une qui n’eût perdu quelques membres par l’option et l’émigration. Joignez à cela un joug odieux, une administration rien moins que douce, la suppression de la langue française dans les écoles, la présence de maîtres recrutés dans tous les coins de l’Allemagne et de la Suisse, et qui étaient loin d’être la crème des instituteurs, l’emploi de livres scolaires qui ne respectaient guère les sentiments des populations, et il est facile de comprendre avec quelles dispositions la loi sur l’obligation a dû être accueillie.

Les infractions furent nombreuses la première année ; l’habitude de ne pas fréquenter l’école régulièrement était trop invétérée dans les villes comme dans les communes rurales. Les maires ne mirent pas d’abord un grand empressement à poursuivre les récalcitrants, ni les instituteurs à les signaler. Bientôt l’administration prit les mesures nécessaires pour que la loi fût exécutée partout. Les familles se soumirent et, dès la seconde année, les infractions à la loi furent rares.

Les enfants comme les familles s’habituèrent peu à peu à cette loi, au point qu’il est des cantons où, depuis quatre ans, aucune amende n’a dû être infligée. Ce qui est plus important, l’habitude d’une fréquentation régulière a été contractée par les enfants et adoptée par les familles. De l’avis de tous les instituteurs alsaciens, cette habitude est déjà tellement enracinée que si, pour une cause ou une autre, la loi sur l’obligation était retirée ou si l’Alsace revenait à son ancienne patrie, les écoles continueraient à être bien fréquentées. Faire contracter l’habitude de la