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LES DOCTRINES PÉDAGOGIQUES DES GRECS.

Tout ce qu’il dit de l’éducation s’adresse à la famille. On a fini par comprendre que la liberté individuelle est le plus noble privilége de l’homme, et que si la raison doit être la souveraine maîtresse de ses actions, c’est dans le for intérieur de chacun qu’elle doit dominer, non en faisant appel à la force redoutable et tyrannique de l’État. L’homme est l’artisan de sa destinée ; pour être responsable de ses actions, il faut qu’il en soit le maître, et le respect du droit d’autrui est la seule limite qu’il puisse reconnaître à l’exercice de son propre droit. La vertu générale résulte dans une république de la vertu particulière des citoyens qui la composent, et non pas de la vertu très-hypothétique de ceux qui la dirigent. L’enseignement donné par le Christ dans un coin de la Palestine était plein de ces idées ; il était par excellence une réaction du libre arbitre contre la tyrannie morale et religieuse de l’État. « Ce principe fut fécond en grands résultats, dit M. Fustel de Coulanges… Si l’État fut plus maître en certaines choses, son action fut aussi plus limitée. Toute une moitié de l’homme lui échappa. Le christianisme enseignait que l’homme n’appartenait plus à la société que par une partie de lui-même, qu’il était engagé à elle par son corps et par ses intérêts matériels, que, sujet d’un tyran, il devait se soumettre ; que, citoyen d’une république, il devait donner sa vie pour elle ; mais que, pour son âme, il était libre et n’était engagé qu’à Dieu[1]. » Si le christianisme s’est répandu avec une rapidité prodigieuse, c’est qu’il a rencontré dans le monde antique les vieilles croyances déjà chancelantes. En particulier, la famille telle que Plutarque l’a conçue, n’est pas encore la famille chrétienne ; mais, par son autonomie,

  1. La Cité antique, p. 478 et 419.