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REVUE PÉDAGOGIQUE.

sible, cela ne peut se faire qu’autant que sa conduite sera assujettie à un certain ordre conforme à la raison et appuyé de la force convenable. Or, l’autorité paternelle n’a point cette force irrésistible qui ressemble à la nécessité ; il n’y a que la loi qui soit revêtue de cette puissance coercitive, puisque en général on hait ceux qui s’opposent à nos désirs, même quand ils ont de justes motifs pour le faire ; au lieu que la loi n’excite aucun sentiment de haine, en prescrivant ce qui est honnête et sage[1]. »

Quelques lignes plus bas, il est vrai, le philosophe se réfute presque lui-même. Que faire, se demande-t-il, si une législation analogue à celle de Lacédémone manque à la cité ? Il faut alors que chaque père la remplace pour son compte dans sa famille. Et maintenant Aristote ne regarde plus cette législation paternelle, si différente de l’autre, comme une sorte de pis-aller ; il en parle avec confiance. « De même, dit-il, que dans les républiques, ce sont les institutions légales qui ont une véritable force, dans les familles ce sont les mœurs et les préceptes paternels. Les liens du sang et les bienfaits leur donnent même encore plus d’autorité ; car la nature a préparé pour ainsi dire les enfants à chérir la puissance paternelle et à s’y rendre dociles[2]. » Il va même jusqu’à signaler les inconvénients d’une éducation réglée par les lois de l’État, et les avantages de celle qu’on reçoit en particulier : l’une est trop générale, eu égard aux différences individuelles que présentent les esprits et les caractères ; elle ressemble à la médecine quand celle-ci prescrit d’après des règles générales, sans tenir compte des dispositions spéciales à chaque tempérament ; l’autre au contraire s’applique mieux au caractère particu-

  1. Éthic., p. 232.
  2. Éthic., p. 233.