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REVUE PÉDAGOGIQUE.

d’abord que l’on ait des mœurs appropriées en quelque sorte à la vertu, qu’on ait de l’amour pour ce qui est honnête, de l’aversion pour ce qui est honteux et bas[1]. »

Aristote laisse entendre que ces sentiments doivent avoir été conçus sans qu’on en ait eu pour ainsi dire conscience, sous une direction étrangère qui a su diriger habilement vers le bien cette énergie de la sensibilité, indifférente et comme aveugle à l’origine quant au but de son développement. La vertu dépend donc presque entièrement de l’habitude ; elle est comme un système d’habitudes bien réglées. « En bâtissant, on devient maçon ; en jouant de la lyre, on devient musicien ; de même en pratiquant la justice on devient juste, sobre en pratiquant la tempérance, courageux en faisant des actes de courage[2]… L’habitude de se comporter, les uns d’une manière et les autres d’une autre, dans les mêmes circonstances, fait que les hommes deviennent, les uns sages et modérés, les autres débauchés et emportés. En un mot, c’est de la répétition des mêmes actes que naissent les habitudes ; et voilà pourquoi il faut que les actions soient assujetties à un mode déterminé ; car de leurs différences naissent les habitudes diverses[3]. »

Or qui réglera ce mode ? Le législateur. « Les législateurs, dit Aristote, rendent les citoyens vertueux en leur faisant contracter de bonnes habitudes[4]. » Et quel est l’âge de la vice où l’action du législateur se fera le plus aisément sentir ? Évidemment l’enfance, âge où les habitudes ne sont pas encore prises, où le caractère est comme une

  1. Ethic., p. 231.
  2. Ethic., p. 25.
  3. Ethic., p. 26.
  4. Ethic., p. 25.