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REVUE PÉDAGOGIQUE.

pire, et si Franklin, qui s’y connaissait probablement, a pu écrire dans le codicile à son testament : « J’ai toujours remarqué que, chez les ouvriers, les bons apprentis deviennent de bons citoyens » que faut-il penser du civisme des abandonnés ?

Suivons maintenant une foule du même âge, engagée par une société vraiment humaine, celle-là, dans une voie tout à fait différente. Elle a reçu le premier enseignement véritablement professionnel, dont nous parlions plus haut ; le plus grand nombre a déjà le goût du travail des mains, tous ont grandi ayant sans cesse sous les yeux les ateliers dont nous allons parler, ateliers divers auxquels ont accédé successivement leurs aînés et auxquels ils ont le désir d’accéder eux-mêmes. Dès onze ans, leur première ambition peut être satisfaite, car l’État ou la commune, au lieu de les jeter sans pitié au monstre, va les y recueillir, les y garder jusqu’à quinze ou seize ans, les classer selon leurs aptitudes, leur donner non pas un métier, mais le savoir manuel, les préserver, les fortifier jusqu’à quinze ou seize ans ; et se fortifier lui-même en faisant de chacun de ses enfants une valeur.

Que les choses soient ainsi faites, il n’est pas à craindre que l’enfant de quinze ans, entré en apprentissage définitif et selon son aptitude, soit employé par l’atelier aux besognes sans profit ; le maître entend autrement ses intérêts ; or en quelques mois de spécialisation l’ouvrier en herbe peut venir à fruit et les patrons ne s’y tromperont pas.

Point n’est besoin sans doute d’insister davantage sur la différence que présenteront à seize ans deux enfants de l’une et de l’autre foule, car si, en vérité, le bénéfice social à espérer de l’enseignement manuel devait être nul, l’on : ne voit pas trop pourquoi l’État tirerait profit d’un ensei-