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REVUE PÉDAGOGIQUE

d’abord par l’École supérieure, en état de lire des textes à livre ouvert et d’y trouver du plaisir. C’est qu’il faut rendre hommage à des maîtres qu’on ne peut qu’admirer dans leur effort pour façonner cette matière indocile. Ils pratiquent à merveille la méthode directe, intelligents de sa vraie nature : non qu’ils se privent de l’exercice écrit, mais ils rattachent directement le vocable étranger à l’objet qu’il faut désigner, à l’action qu’on veut exprimer sans passer par la conversion d’une langue dans une autre. Il en est parmi eux d’éminents, pleins d’un humour charmant, et l’ensemble est un des corps qui fait le plus d’honneur à l’Université.

En 1912, M. Lucien Poincaré, ayant besoin d’un inspecteur général dans l’ordre secondaire, sollicita Guillaume qu’il avait vu à l’œuvre. Celui-ci hésita : « C’est le primaire qui m’a fait ce que je suis, dit-il, et je veux lui rendre un peu de ce qu’il m’a donné. » Pour lever son scrupule, il n’y eût qu’un accommodement : c’est qu’il prendrait à la fois les deux charges sur son dos. Il inspecta Lycées et Collèges mais continua de s’occuper des Langues dans les établissements primaires, comme par le passé.

Toujours égal à ses fonctions à mesure qu’elles s’élevaient et s’étendaient, il a marché huit ans sous ce double fardeau, mais il se dépensait à l’excès. Aucun obstacle matériel ne comptait pour lui, pas même la crise des transports ; il n’acceptait pas que le service souffrît des circonstances adverses, surtout au moment où le devoir social se faisait plus impérieux. Mais la guerre lui fit du mal autrement que par la peine matérielle, ou que par l’inquiétude pour les siens en danger ; l’ardent patriote se consumait de passion patriotique et de tension morale.

La flamme était toujours aussi vive, mais il s’usait sans qu’il y parut. — Et maintenant, devant la mort, la tristesse de ceux qui l’ont aimé se porte naturellement sur le souvenir de l’homme, de sa nature abondante et affectueuse plutôt que sur la pensée du fonctionnaire éminent et des services qu’il rendait à l’Université. Il fut très bon : c’est le témoignage qu’il eût sans doute préféré, parmi tous ceux qu’on peut lui rendre.