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REVUE PÉDAGOGIQUE

une femme au cœur aussi vaillant que le sien, fonda le foyer où il est assuré de se survivre. Il suffisait d’ailleurs de l’approcher d’un peu près pour surprendre que sa vie morale appuyait sa paix et sa sécurité sur les grandes réalités sociales, la famille, la patrie. Il n’aimait pas laisser la pensée badiner et jouer autour d’elles légèrement. Ce bon démocrate, fils du peuple qui, délibérément autant que par instinct, voulait rester peuple, ce bourguignon qui aimait passionnément la nature et la vie avait, au plus haut point, le sens de la discipline morale et sociale et de sa nécessité pour l’âme de l’individu comme pour la société.

Reçu le premier à l’Agrégation d’anglais, ce succès lui ouvrait l’enseignement secondaire. Il entra à Chaptal. C’est là que s’est écoulée sa carrière de professeur, dans ces classes peuplées, surpeuplées, composées surtout de petits boursiers de la ville, laborieux, l’esprit agile comme le vif-argent. Besogne infiniment délicate que l’enseignement des langues dans ces classes, sans l'appui d’un cours pour stabiliser l’attention collective, le professeur constamment interlocuteur, le travail de tous suspendu sans relâche à son action et à sa dextérité. Guillaume qui n’eût jamais grand goût pour les théories pédagogiques, l’intelligence trop sensible et attentive à la vie pour dogmatiser, possédait en revanche cette intuition de l’esprit de l’élève, — il avait ce contact incessant avec lui qui font, d’emblée, qu’on est professeur, tandis que, dépourvu de ces dons, on ne le devient jamais.

A sa tâche professionnelle, il en joignit bientôt une autre, d’ordre administratif. Il reçut de Jost la charge des boursiers en Angleterre. C’est un service fort lourd, qui veut de l’ordre et de l’activité, mais auquel il apporta en outre tout son cœur. Il cherchait lui-même, outre-manche, les familles disposées à recevoir des pensionnaires, allait se rendre compte sur place de la façon dont ceux-ci étaient traités, se tenait au courant par une incessante correspondance. Et il devenait souvent le confident des enfants ; il devinait leurs crises, les conseillant, les guidant, avec entrain, jeune avec les jeunes. Et l’œuvre s’étendait au delà du cercle des boursiers. Que de familles se sont adressées à sa complaisance toujours prête pour placer et surveiller leurs fils. L’habitude nouvelle et si utile d’envoyer les enfants en