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UNE ŒUVRE ESPAGNOLE D’ÉDUCATION

Ici, l’œuvre à accomplir était une véritable mission. Il s’agissait de transformer en civilisés de petits sauvages qui non seulement ignoraient l’usage de l’eau, mais qui même en avaient peur : l’un d’eux refusa, deux jours de suite, son déjeuner à la cantine et se priva de manger, plutôt que de se soumettre à l’obligation préalable de se laver les mains. Il fallut lutter contre les mères elles-mêmes, indignées de ce qu’on fît prendre des bains à leurs enfants, « puisqu’ils n’étaient pas malades ». Il fallut exiger qu’on changeât les enfants de linge ; l’un d’eux avait sur le dos une chemise de trois mois, l’unique, il est vrai, qu’il eût au monde. Mais la ténacité des maîtresses et la force persuasive des dons et secours accordés aux parents nécessiteux eurent raison des oppositions les plus obstinées, et maintenant c’est l’enfant qui exige de ses parents que ceux-ci se lavent les mains « avant de se mettre à table » même lorsqu’il n’y a pas de table !

Deux « œuvres complémentaires » jouent un rôle important dans cette rénovation physique et morale de l’enfance : la cantine, et les colonies de vacances. L’une et l’autre sont organisées avec beaucoup de soin et de sens pratique, et méritent qu’on s’y arrête un moment.

La cantine est l’endroit où l’on mange des choses saines, et où l’on apprend à les manger. Les enfants sont assis par petites tables de six ou huit au plus, ils sont assis commodément, sur des chaises ; ils apprennent à se servir de la cuiller et de la fourchette, de la serviette et du verre à boire ; on leur enseigne à se bien tenir, à s’asseoir, à se lever, à attendre et à ne pas se faire attendre : ils se civilisent ; la civilisation commence à table. Chaque repas se compose d’un plat de légumes et d’un plat de viande, d’œufs ou de poisson ; il y a quelquefois du dessert ou du fromage. Dans la première quinzaine d’octobre 1919 ont été servies 1 234 rations dont le coût total a été de 293 francs. Ceux qui le peuvent, paient une cotisation hebdomadaire de soixante centimes ; les enfants pauvres sont nourris gratuitement. La bonne nourriture, le grand air et l’exercice, les soins de propreté, ont vite fait de donner à ces enfants, dont les parents vivent de pois chiches au fond de taudis obscurs, une mine brillante et des joues rebondies. Leur développement physique est suivi de près par le médecin-inspecteur de la Fondation, qui tient lui-même à jour