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QUESTIONS ET DISCUSSIONS

nos programmes a été saluée comme une mesure « libérale ». On assimilait par là l’étude des langues vivantes à celle des langues mortes, dont la vertu réside précisément dans le travail de la traduction. Or, ce travail est le même, quelles que soient les langues en présence. Le grec et le latin ont, sur les langues vivantes, la supériorité, l’un de servir d’expression à des œuvres de beauté parfaite, l’autre d’être la source directe de notre propre langue, mais puisque, par les difficultés que présente leur étude et le temps qu’elle exige, leur introduction chez nous est hors de question, conservons au moins, en retenant les langues vivantes, l’avantage essentiel de l’étude des langues classiques : celui d’assouplir, de fortifier, d’enrichir l’esprit, celui, en particulier, de donner aux élèves une connaissance plus étendue, plus profonde et mieux raisonnée de leur propre langue.

Ainsi, quel que soit le but qu’on assigne à l’enseignement des langues vivantes à l’École normale, on voit combien sa suppression serait inopportune et nuisible à l’intérêt de nos élèves. Il faut, au contraire, le développer comme vont se développer nos relations avec nos alliés d’aujourd’hui, avec nos voisins de toujours. Pour cela, point n’est besoin d’augmenter le nombre des heures de cours ; il suffirait de remettre les choses dans l’ordre, la version à l’écrit, la conversation à l’oral ; on assurerait ainsi dès la première année la base de cet enseignement, qui est, en définitive, la grammaire, et on pourrait aller plus avant qu’on ne fait dans l’étude de la littérature et de la vie intellectuelle du peuple étranger. La langue parlée n’en souffrirait pas, au contraire. Au vocabulaire de la vie courante, qui est borné, s’ajouterait celui de la pensée dans tous ses domaines, arts, lettres, sciences, là où la langue déploie le mieux ses richesses et prouve le mieux sa valeur intrinsèque.

Ainsi conduit, cet enseignement devrait créer chez nos élèves un intérêt permanent, qui persisterait après les années de scolarité, et qui leur serait d’un précieux secours pour leur culture personnelle. Quand nos élèves nous quittent, nous ne manquons pas de les exhorter à poursuivre leur propre éducation, et nous leur en indiquons les moyens : mais que ces moyens sont peu nombreux ! À part la botanique, quelle science est directement accessible à des institutrices rurales ? Ne parlons ni de physique,