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REVUE PÉDAGOGIQUE

tions nouvelles, a grandi beaucoup plus lentement. Il n’arrive, pour 1897, qu’à 721,900 francs, au lieu du chiffre de 1,221,900 qu’il aurait atteint si la progression prévue avait été réalisée. Mais si l’instruction des indigènes n’est pas près de ruiner l’État, elle écrase, paraît-il, les communes algériennes, dont la situation est tellement critique, affirme le rapporteur[1], « qu’elles ne peuvent plus s’imposer pour l’enseignement des Kabyles de nouveaux sacrifices sans s’exposer aux plus graves mécomptes et même à de véritables catastrophes ». Il faut donc que cette situation se soit singulièrement aggravée, d’une année à l’autre, puisqu’en 1895 les recettes ordinaires des communes atteignaient à un total de 24,774,056 francs, les dépenses à 21,856,091, d’où un excédent de 2,917,965 francs. Le fait n’avait d’ailleurs rien d’exceptionnel ; en 1894 l’excédent était de 2,507,774 francs, en 1892 de 2,903,279 francs, etc. Ce sont ces communes qui, à elles toutes, ont été jugées incapables de supporter la dépense de 70,000 francs qui serait résultée pour elles de l’adoption du chiffre proposé d’abord par le gouvernement, repris et soutenu avec d’excellentes raisons par M. Albin Rozet.

L’argument financier n’est pas très péremptoire. Faut-il s’arrêter à celui des sociologues souvent improvisés qui déclarent a priori que l’indigène est par nature impropre à recevoir une instruction européenne ? Il est vraisemblable que l’intelligence d’un peuple sur lequel pèse l’hérédité de longs siècles d’ignorance sera moins souple et moins compréhensive que celle des races anciennement civilisées. L’aptitude à apprendre et à comprendre se transmet comme toutes les autres. En tout cas, il suivrait seulement de là que l’indigène ne peut s’élever aux spéculations et aux raffinements de la haute culture, nullement qu’il est incapable de toute culture. Si, comme il convient en pareille matière, on veut tenir compte de l’expérience, que l’on consulte les maîtres qui ont enseigné dans les écoles arabes ou kabyles, les touristes intelligents, les hommes du métier, les pédagogues parfois éminents qui les ont visitées. Tous ont été frappés de la mine éveillée des élèves, de leur attention, de l’entrain de leurs ré-

  1. Rapport fait au nom de la commission du budget, etc. : Services de l’Algérie, par M. Chaudey.