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écoute, médite. L’élément d’intérêt est double : sa promenade descriptive et, superposée, sa méditation.

Dès le début un petit dessin souffreteux et délicat comme une touffe de ces primevères, que j’ai vues si souvent dans les mêmes sites, se tromper et refleurir la veille du jour des morts. Puis aux violoncelles sur un staccato des cordes, la promenade se dessine, décidée à s’attarder où bon lui semblera, aux touffes et aux sources, aux tiges et aux cailloux. Veuillez remarquer que ce thème plonge de toutes ses racines dans celui fondamental de la symphonie, celui que Bruckner n’eût pas cru faire merveille de baptiser cyclique. De même je rends attentif aux répétitions de dessins, aux figures constantes qui, elles aussi, assurent à l’œuvre une unité particulière. Et, en cela encore, l’instinct de Bruckner l’a incité à faire œuvre de novateur, à introduire dans la symphonie un élément ornemental, qui la rend en quelque sorte décorative. Je ne puis guère insister ici sur des questions d’esthétique, qui sont surtout véritables dans le parcours d’une symphonie à l’autre, mais je crois en avoir dit assez pour que l’auditeur attentif se rende compte de ce quelque chose de nouveau, qu’il pourra taxer, si bon lui semble, d’élément de monotonie, comme nous, nous l’appelons d’unité. De même les pauses fréquentes, avec lesquelles il faut se familiariser chez Bruckner et qui, avec la direction Lœwe, apparaissent tellement indispensables au recueillement, à la poésie, que non seulement on ne s’en choque plus, mais qu’on ne s’en aperçoit pas plus que d’une ponctuation infaillible chez un grand écrivain.

Ces avertissements acceptés, je crois que la beauté tout intérieure de cette longue méditation marchée pourra conquérir des amis même en France, où rien de grand n’a jamais été bafoué, sans que surgissent immédiatement quelques dévouements consolateurs et garants de jours meilleurs. Si elle est parfois un peu grave, cette méditation, c’est que le chemin passe près du cimetière. Et puis voici l’oiseau, le gentil appel d’oiseau dont on a l’histoire. Et la candeur du vieux poète (il fut toujours vieux et toujours un enfant) s’en émerveille.