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vous démontrer scientifiquement la victoire merveilleuse qu’ici le génie remporte tout à coup sur la règle strictement consentie. Comparez un tel premier morceau à un du contemporain Brahms, la rigueur est la même ; mais Brahms a fait une œuvre d’art stricte aux formes polies ici, patinées là avec un soin minutieux. Ceci demeure une cathédrale, une chaîne de montagnes. Ici l’architecture est naturelle ; chez Brahms, elle est humaine, ou humaniste ; ici l’architecture participe aux forces de la nature ; là elle sort de l’École des Beaux-Arts. À chacun de ces blocs de fanfares, qui font penser à des Dolomites embrasées par les feux de septembre, il semble que le géant ne saura plus se surpasser et chaque fois il saura encore qu’il y a ici, au centre, une cime crénelée qui doit dominer sa première partie. Et en contraste, quelles accalmies, quelles profondeurs d’ombre presque nocturne dans les fourrés, quelles rencontres sous bois d’eaux vives cristallines, ou ailleurs au grand soleil ces violons qui descendent en sources chaudes… Et lorsque nous arrivons à la longue progression de la fin, cette progression ramenant la grande fanfare, avec la cassure brusque du point final, l’impression de complète saturation par ces thèmes romantiques est telle que nous sentons que plus rien ne pourra suivre, qui n’en soit encore baigné, qui n’en subisse la déteinte.

DEUXIÈME MORCEAU.— Andante. Ut majeur, ut mineur. Achevé le 31 juillet 1878. À la première audition ce morceau est le plus périlleux. À la longue c’est celui qu’on préfère. Certains chefs d’orchestre, infatués d’eux-mêmes, prétendent y rendre à Bruckner « le grand service » d’y pratiquer d’amples coupures. MM. Richter, Mottl et Lœwe ne l’entendent pas de cette oreille.

Après nous avoir évoqué dans son premier morceau un monde de rochers et de forêts entre Alpes et Danube, incendié de toutes les clartés d’un bel après-midi de septembre, je me représente mon vieux maître quittant, pour aller s’y promener, vers le soir, sa cellule blanche du blanc couvent-palais de Saint-Florian. Tous les parfums de la campagne viennent à la rencontre de ses pas lents. Il est seul, s’arrête ici et là, regarde,