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Désormais les tribulations vont commencer. Les Juifs ont fait de Brahms leur protégé et Hanslick se fait son homme lige ; il faut que Bruckner lui soit immolé. Une campagne d’obstruction, d’avanies, de diffamation contre la musique du maître et de caricature contre sa personne commence, et dépasse en lâcheté tout ce qui se peut imaginer.

En 1869, Bruckner est envoyé à Nancy, à un concours international des organistes et ses improvisations connaissent, paraît-il, des triomphes aussi à Paris. Il serait curieux qu’à cette occasion, le père Franck et lui se fussent rencontrés, petit point d’histoire que je laisse aux élèves du premier et aux survivants de ce concours à éclaircir. En 1871, Bruckner donne onze concerts à Londres et, après ces deux voyages, il est classé le premier organiste de son temps.

M. Ritter signale alors les différentes symphonies de Bruckner, et il continue :

Toute œuvre du génie doit être abordée avec d’autant plus de bonne foi que plus le génie est grand, plus il manque du talent de surprendre les bonnes fois ! Le talent sait toujours se rendre aimable et avenant ; le génie ignore les précautions politiques et les prétéritions diplomatiques. Il n’a que faire du succès. Il n’a pas besoin de vous et de moi ; nous avons besoin de lui. À Dante, Michel Ange, Bach, Beethoven, Bruckner, nous sommes obligés d’aller et de les accepter tels quels sans qu’ils nous fassent la moindre invite. Tant pis pour nous si nous n’aimons pas ou ne comprenons pas, c’est nous qui avons tort.

Chez Bruckner spécialement règnent deux ordres de faits contradictoires mais basés sur le même don d’amour, la même foi à transporter des montagnes et qui, en effet transporte les montagnes de ses neuf symphonies et les fait danser d’aise comme des petits moutons autour du Bon Pasteur. Il confond tout ce qui touche à l’église et tout ce qui touche à la musique, ou plutôt ceci est le langage de cela. Il met au service de Dieu toutes les formes austères et religieuses de son art comme