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dévotion abusée s’est laissé imposer jusqu’ici par les boutiques et l’astuce juives. Venant d’un homme qui connaît toutes les tentatives d’art nouveau de l’Europe centrale, j’espère qu’elle ne paraîtra pas suspecte, l’assertion que c’est encore une œuvre d’art catholique qui, aujourd’hui comme au moyen âge, comme à la Renaissance, tient la tête de tout le mouvement et qui le précède. Les autres nations n’ont en fait d’églises modernes rien de pareil à opposer à la France. L’art dit nouveau a donné son chef-d’œuvre avant qu’on parlât d’art nouveau, et ce chef-d’œuvre est ce qu’il doit être logiquement, encore et toujours un temple. Je m’étonne que personne en France ne paraisse encore s’en être aperçu et qu’aucune revue d’art n’ait encore rendu justice à l’architecte de Fourvière.

Il en va de même avec la musique moderne. Wagner aboutit à Parsifal. La musique française a pour plus admirable représentant en plein XIXe siècle un saint. La musique tchèque en Dvorak s’enorgueillit d’un croyant qui à toute occasion manifeste la foi du charbonnier. En Russie, depuis le pauvre Kalinnikof avec son extraordinaire Gospodin pomilouy jusqu’à Rymsky Korsakoff avec sa Grande Pâque russe, la moitié au moins des Maîtres travaillent pour l’Église. En Autriche, le plus grand de tous les maîtres modernes, avec Wagner, Anton Bruckner est lui aussi un saint. Un saint et un génie d’un tout autre caractère que Franck, et dont l’œuvre beaucoup plus vaste, plus abondante, plus catholique, au sens non confessionnellement restreint mais universel, contient les germes d’un nouveau monde musical au milieu d’une sorte de synthèse fracturée, cahoteuse, souvent maladroite, mais grandiose toujours et synthèse tout de même, de tous les efforts tentés avant lui. Il y a là Bach et Haendel, Beethoven et Wagner, et il y a tout autre chose surtout. Et à la base de tout, une foi, un amour, une ardeur de dévotions publics, glorieux, manifestes, d’un tout autre ordre que le doux recueillement intime de César Franck. L’un est un saint en cellule, l’autre a pour cellule la voûte étoilée.

Et voilà pourquoi je souhaite Bruckner à Fourvière. Lui qui