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« Pantagruel »

à l’âme claire ». Avec l’opéra-bouffe de M. Terrasse, que nous sommes loin de cette grandiose vision musicale !

De Rabelais, les auteurs du livret n’ont pris que quelques types qu’ils ont un peu transformés et quelques scènes qu’ils ont encadrées dans un sujet de la plus fade et de la plus banale galanterie. C’est ainsi que Pantagruel devient un jeune premier qui part à la conquête d’une princesse de légende habitant le « pays de Satin », contrée incertaine que la Sélika de l’Africaine chercherait vainement sur une carte géographique. Et l’œuvre qui s’ouvre par un acte assez mouvementé de comédie musicale s’achève comme un opéra-comique après s’être traînée dans des scènes d’opéra-bouffe ou de féerie dont les journaux ont longuement raconté l’incohérente succession.

Surle livret hybride à la confection duquel Alfred Jarry n’a pas dû prendre une part bien importante et dont l’intérêt diminue à mesure que l’action se déroule, M. Terrasse a écrit une musique entièrement équivalente, qui hésite sans cesse entre tous les genres lyriques, et laisse, dans l’ensemble, une vive impression d’ennui. La lecture de la partition de piano (bourrée de « coquilles ») est très défavorable à l’œuvre. On est frappé, en la parcourant, de l’extrême décousu, du lâché, du caractère d’improvisation de la composition tout entière. On y trouve de tout : parodies de la musique liturgique placées assez naturellement dans la bouche de frère ]ean qui se plait à chanter sur l’air du Gloria des phrases comme celle-ci : « On vient de décrocher les cloches de Flotte-Dame… » ; allusions, faciles et pas assez appuyées pour être réjouissantes, à diverses œuvres connues de Wagner ou de Meyerbeer ; réminiscences de compositions classiques comme dans la fugue à trois rois chantée par Bringuenarilles, Pétaut et Quaresmeprenant et qui, au reste, est une des rares pages vraiment amusantes de tout l’opéra ; chansons popu-

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