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il n’est plus en communication avec le commandement général des armées, ni en relation avec ses sources de ravitaillement. Les lignes qui se font face sont incurvées en arc de cercle et non droites. Il est donc dans une situation d’infériorité manifeste.

Dans l’hypothèse que nous venons d’envisager, au contraire, s’il y a égalité dans l’armement, dans les effectifs et dans la valeur morale des troupes en présence, il est évident qu’il y a égalité aussi dans leur condition tactique. Il cesse bientôt d’y avoir un parti qui attaque, un autre qui est attaqué. Les deux ennemis ne tardent pas à se trouver logés, en quelque sorte, à la même enseigne. Ils s’immobilisent comme les troupes qui défendent un camp retranché et celles qui concourent à son investissement. À l’extérieur de la circonvallation, certains corps tiennent la campagne et manœuvrent. À l’intérieur de la ceinture des forts, et, sous leur canon, des troupes de sortie peuvent se déplacer et tenter des coups de mains. Mais la garnison des forts et les détachements qui gardent les ouvrages de contrevallation restent inutilisés et sont comme neutralisés.

C’est là le caractère qu’il faut attribuer à la bataille défensive de l’avenir. On se la représente comme mettant face à face deux murailles humaines presque au contact, séparées seulement par l’épaisseur du péril, et cette double muraille va rester presque inerte malgré la volonté d’avancer qu’on a de part et d’autre, malgré les tentatives qu’on fait pour y réussir.

L’une de ces lignes cherchera, ne pouvant réussir de front, à déborder l’autre. Celle-ci, à son tour, prolongera son front, et ce sera un concours à qui s’étendra le plus, dans la mesure où son effectif le lui permettra. Ou, du moins, les choses se passeraient ainsi si on pouvait se développer indéfiniment. Mais la nature présente des obstacles. La ligne s’arrêtera à un point d’appui, à une mer, à une montagne, à la frontière d’une nation neutre.

À partir de ce moment, il n’y a pour ainsi dire pas de raison pour que la lutte finisse, du moins de ce côté. C’est ailleurs, c’est en dehors de ce champ de bataille (où on ne se bat pas !) qu’on cherchera la victoire, et on la cherchera par des manœuvres tactiques analogues à celles des troupes de sortie dont nous parlions tout à l’heure, lorsque nous envisagions ce qui se passe dans un camp retranché.