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J’ose dire que sur cette matière des écrivains éminens se sont laissé séduire par des sentimens très moraux, mais qui ne doivent pas être seuls consultés. Ils se sont trop préoccupés, je crois, de ce qui n’était pas la vraie question chez nous. Ils se sont exagéré quelques faits ; ils en ont négligé certains autres. Leur argumentation s’est trop tenue dans les généralités elle ne s’est pas assez rapprochée du réel. Ils n’ont pas vu la France d’assez près ; ils lui ont trop imputée je pense, ce qui n’appartient qu’à l’Angleterre ; et en cela même ils ont appliqué aux manufactures tel reproche qui ne convient qu’au paupérisme agricole de nos voisins. Un profond sentiment d’humanité les a guidés, mais trop loin. Ce sentiment louable est toujours bien placé ; mais la moralité veut-elle qu’on fasse plier la justice ? La justice n’est-elle pas pour tout le monde et la suprême sagesse n’a-t-elle pas dit « En jugement vous ne favoriserez pas le pauvre (1). »

Jusqu’ici l’étude de la production et de la distribution des richesses s’était appelée économie politique. On dit aujourd’hui que ce n’est là qu’une branche assez vulgaire de la science bien plus vaste à laquelle le nom d’économie doit se réserver. Celle-ci embrasse toute l’organisation sociale, toutes les parties du gouvernement et de l’administration appliquées à la félicité publique et au bien-être des citoyens. Je ne sais s’il est bon de confondre sous un seul nom qui avait déjà un sens restreint, cette vaste complication de connaissances et de pensées qui doivent se coordonner sans


(1) Exode, 23, 3.