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comme moyen de combat. Il s’agit d’une huile insoluble et incolore, d’une odeur douceâtre et assez agréable, rappelant l’éther, et dont le point d’ébullition est à 217°. On s’en sert en le vaporisant aussi complètement que possible. Lorsque les gouttelettes viennent en contact avec l’épiderme mais surtout quand elles sont aspirées, cette huile produit des symptômes d’un empoisonnement particulier et d’une violence inouïe.

Ce poison, ainsi que ses effets nocifs, sont connus depuis longtemps. Il fut découvert en 1886 par Victor Meyer, mais n’a pas été l’objet d’expériences pendant les 30 années suivantes. Il figure dans les manuels sous le nom scientifique de « thiodiglycolchloride » ou de « dichlor-diaethylsulfide ». Aujourd’hui on peut extraire ce poison en quantité considérable, et à très bon marché de l’alcool ou du carbure de calcium et du chlorure de soufre.

Victor Meyer a décrit des expériences sur des lapins démontrant la puissance terrible de ce poison. Il suffisait d’exposer les sujets pendant 3 ou 4 heures à un fort courant d’air qui passait à travers un tube de verre contenant un papier buvard imprégné de poison, pour que la mort s’ensuivit trois jours après, par suite d’inflammation des poumons et de pneumonie[1]. Ces expériences durent être interrompues par suite de l’influence du poison sur les observateurs eux-mêmes.

Ces divers poisons causent une mort douloureuse ou occasionnent de graves lésions des organes internes, entraînant un état morbide prolongé, risquant même de provoquer en fin de compte, ainsi qu’on l’a observé dans d’autres cas d’empoisonnement, une dégénération de la race humaine. Il y a lieu de considérer également que l’obligation où se trouvaient les troupes de combattre le visage recouvert d’un masque protecteur, et de rester ainsi très longtemps dans des conditions pénibles,

  1. Il serait intéressant d’approfondir si ce n’est pas dans les troubles des voies respiratoires, occasionnés par l’emploi de ce gaz sur les fronts, qu’il faudrait rechercher le foyer et la cause ultérieurs de l’épidémie récente de grippe.