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fense des assiégés était de verser sur les assaillants de la poix et de l’huile bouillantes. Ce moyen de défense, quelque terrible qu’il fût, ne pouvait causer de très grands dommages, car la quantité d’huile était beaucoup trop restreinte. La guerre moderne a eu recours à cet antique procédé et l’a porté à une redoutable perfection. Les lance-flammes sont parmi les moyens les plus inhumains qu’elle ait inventés. Aujourd’hui la matière première (pétrole et huiles lourdes) est pour ainsi dire inépuisable en comparaison des temps anciens.

Il en résulte que jadis des bornes naturelles s’opposaient à la volonté humaine de détruire ; aujourd’hui, au contraire, l’homme trouve dans la nature des ressources presque illimitées. Ce phénomène s’est manifesté plus particulièrement pendant la dernière période de la guerre, à l’occasion de la mise en action d’une arme épouvantable : le poison.

Les poisons sont connus depuis longtemps. Mais pour la plupart ils étaient constitués de matières rares, et dans toutes les guerres européennes précédentes, même dans celle de 1870, il n’aurait jamais été possible de les employer comme moyen de destruction, même si cette pensée criminelle se fût présentée à l’esprit d’un commandant d’armée.

Aujourd’hui leur fabrication est aisée, même en quantité considérable. Il est possible de les produire plus facilement et à meilleur marché que beaucoup de matières colorantes, de médicaments, ou d’explosifs. Le phosgène, par exemple, est la synthèse très bon marché de l’oxyde de carbone et du chlore ; l’industrie moderne qui a fait surgir des millions de tonnes d’explosifs pourrait tout aussi facilement produire des millions de tonnes de ce poison. On dit que les effets les plus effroyables sont produits par le cyanure de phosgène, qui est une combinaison de phosgène et de cyanure de sodium. Cette dernière substance était fabriquée déjà avant la guerre en grande quantité, et était employée dans l’Afrique du Sud pour l’extraction de l’or.

Au cours de la dernière année de guerre, on a souvent fait mention du gaz moutarde, employé par les deux armées