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Quant je vieng à mon hosté,
Et ma feme a regardé
Derrier moi le sac enflé,
Et je qui sui bien paré
De robe grise, [1]

Sachiez qu’ele a tôt jus mise
La quenouille, sans faintise.
Elle me rit par franchise,
Les deux bras au col me lie.

Ma feme va destrousser
Ma male sans demorer.
Mon garçon va abruver
Mon cheval et conréer.
Ma pucele va tuer
Dous chapons por deporter
À la sause aillie.[2]

Ma fille m’apporte un pigne
En sa main par cortoisie.
Lors sui de mon ostel sire
À mult grant joie, sans ire,
Plus que nus ne porroit dire.[3]

Chansons et ballades souffrirent de l’invention de l’imprimerie, mais le coup le plus cruel porté à la profession du ménestrel fut

  1. Quand je viens à ma maison,
    Et que ma femme a regardé
    Derrière moi le sac enflé,
    Et moi qui suis bien paré
    De robe grise,

  2. Sachez qu’elle a vite jeté bas
    La quenouille, sans mentir.
    Elle me rit franchement,
    Ses deux bras s’enlacent à mon cou.

    Ma femme va détrousser
    Ma malle, sans tarder ;
    Mon garçon va abreuver
    Mon cheval, et le panser ;
    Ma servante va tuer
    Deux chapons pour les assaisonner
    À la sauce à l’ail.

  3. Ma fille m’apporte un peigne
    En sa main, par courtoisie.
    Alors dans ma maison je suis roi,
    En grande joie, sans fâcherie,
    Plus heureux qu’on ne pourrait dire