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à en mentionner un seul qui me paraît très fort. C’est que, dès le xiie siècle, dans les communes du nord de la France, le mot pax est régulièrement employé comme synonyme du mot communio.

J’ai quelque peu insisté sur cette question parce qu’il s’en dégage, me semble-t-il, une conclusion très importante. Si, en effet, la paix urbaine ne provient pas de la paix de la burg, il faut rayer du nombre des facteurs qui ont contribué à la formation des constitutions municipales du moyen âge une institution purement germanique de plus. J’écris « de plus » à dessein, car il est intéressant de remarquer que les essais faits pou expliquer l’origine des villes allemandes par des facteurs exclusivement allemands ont échoué. Tour à tour, le Hofrecht, l’Altfreiegemeinde, la Landgemeinde, la Gilde, le Marktrecht se sont montrés incapables de résoudre le problème. Qu’en faut-il conclure, sinon que les constitutions urbaines ne sont pas un phénomène national, mais, au même titre par exemple que la féodalité, un phénomène social indépendant des races, des langues et des frontières ? Si, au lieu d’étudier séparément les villes françaises et les villes allemandes, comme on le fait presque toujours parce que l’on admet a priori qu’il doit exister entre elles une différence de nature, on s’habituait à les observer ensemble, on s’apercevrait bientôt, me semble-t-il, que des deux côtés du Rhin l’histoire urbaine présente une évolution identique et s’explique par les mêmes causes. À circonscrire en cette matière les recherches scientifiques dans les frontières des États modernes, on restreint son point de vue, on limite de gaîté de cœur le nombre de ses sources, on se prive du précieux secours que la méthode comparative fournit à l’histoire, on est incapable de distinguer, au milieu des nombreux éléments qui se rencontrent dans les constitutions municipales, ceux qui sont généraux et par conséquent essentiels de ceux qui sont locaux et partant secondaires. Sans doute, les différences de détail sont innombrables, mais le but de la science n’est-il pas précisément de reconnaître, sous le particulier et le contingent, l’universel et le nécessaire ? D’ailleurs, je ne crois pas qu’il soit possible d’opposer le groupe de villes françaises comme telles au groupe des villes allemandes. À y regarder de près, on voit très bien qu’il existe des familles de villes, mais que ces familles s’étendent indifféremment en deçà et au delà des frontières tracées sur la carte de l’Europe par le traité de Verdun. Elles ne sont déterminées ni par l’ethnographie ni par la politique. Cologne, Mayence, et Worms sont plus étroitement apparentées à Reims, à Noyon, à Laon et à Cambrai, qu’à Magdebourg ou qu’à Lubeck. Lille et Arras, dont la population est purement romane, sont les sœurs de Gand et de Bruges. Bref, les premières villes du nord de l’Europe, créées