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JACQUES Ier D’ÉCOSSE FUT-IL POÈTE ?


I. — La question du « Kingis Quair. »

Jacques Ier, roi d’Écosse, contemporain de nos rois Charles VI et Charles VII, beau-père du dauphin qui devait être un jour le roi Louis XI, est célèbre par sa longue captivité en Angleterre, par son amour pour Jeanne de Beaufort, qu’il épousa, par l’énergique manière dont il gouverna ses turbulents sujets, enfin par sa mort tragique en 1437.

Il est célèbre aussi par un poème où est conté comment il connut et aima Jeanne de Beaufort ; c’est le fameux « Cahier du Roi » ou Kingis Quair. L’auteur de cette œuvre charmante dit, dans le style chargé de fleurs qu’on aimait au xve siècle, son départ d’Écosse, alors qu’il sortait à peine de l’enfance, sa longue captivité, la divine apparition de la jeune fille, une « hevinly thing in likenesse of nature, » à qui son cœur appartint sur-le-champ, « à tout jamais, de libre volonté : »

Sudaynly my hert became hir thrall
For ever, of free wyll.

Il décrit le voyage qu’il fit en rêve ou en pensée et qu’on faisait si souvent au moyen âge, au palais des déesses de la mythologie, Vénus, Minerve, Fortune. Il leur conte ses anxiétés et ses tourments d’amour ; elles le réconfortent et lui donnent de sages conseils (Minerve s’inspire de l’Ecclésiaste) ; elles lui annoncent la fin de ses peines, que le roi célèbre en style ravi. Il termine en mettant son « petit traité dépouillé d’éloquence » sous la protection de ses maîtres dans l’art des vers, Gower et Chaucer.

On ne connaît qu’un seul ms. de ce poème ; il est conservé à Oxford dans la bibliothèque Bodléienne ; il provient de la collec-