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Telles sont, brièvement exposées et ramenées à leurs principes essentiels, les idées directrices de la méthode de M. Lamprecht. On voit qu’elles correspondent exactement au degré actuel du développement des sciences sociales. Le problème qui se pose, c’est de trouver dans l’histoire même son explication, de découvrir empiriquement les causes immanentes qui en déterminent l’évolution. La psychologie des peuples et la sociologie peuvent seules nous aider à résoudre ce problème : elles sont pour l’histoire ce que les mathématiques, par exemple, sont pour la physique.

Sans doute, la différence est grande entre l’historien et le physicien. Les mathématiques fournissent à celui-ci un instrument d’une rigueur absolue ; les sciences sociales, au contraire, encore dans l’enfance et dans le devenir, ne mettent à la disposition de celui-là que des probabilités et des hypothèses. Qu’importe, d’ailleurs, s’il est vrai que l’hypothèse est la condition essentielle de tout progrès scientifique et si, du point de vue nouveau auquel on se place, on voit surgir une foule de questions, s’ouvrir des horizons inconnus et se rajeunir enfin ce sujet inépuisable de l’histoire ?

Un danger, il est vrai, doit être évité. En rapprochant l’histoire des sciences sociales, il importe de se garder de la confondre avec elles, de la noyer dans la sociologie et d’arriver ainsi à reconstituer une sorte de philosophie de l’histoire aussi vague qu’arbitraire. Ce danger, pourtant, ne semble guère à craindre. L’érudition et la critique ont acquis de nos jours un développement trop robuste et trop général pour qu’on puisse croire qu’elles cessent de veiller à l’intégrité du domaine confié à leur garde. C’est à elle, en définitive, qu’il appartient de contrôler les résultat de l’histoire-récit et de détruire les synthèses échafaudées sur des bases insuffisantes et avec des matériaux trop fragiles. Ainsi, les deux branches de l’activité historique se prêteront mutuellement leur concours : l’une par ses hypothèses et ses généralisations orientant les recherches sur des terrains nouveaux ; l’autre mettant en œuvre ces terrains et par l’étude patiente des faits confirmant ou infirmant les résultats entrevus. La première restera malgré tout l’œuvre de l’imagination scientifique, la seconde sera l’instrument de contrôle et de vérification. Laquelle est la plus essentielle ? On ne sait. Sans l’hypothèse et la synthèse, l’histoire reste un passe-temps d’antiquaires ; sans la critique et l’érudition, elle perd pied dans le domaine de la fantaisie.

On peut donc attendre, des idées nouvelles qui tentent aujourd’hui de s’introduire dans l’histoire, des résultats nombreux et féconds. Y a-t-il, du reste, entre ces idées et la conception courante une diffé-