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MÉLANGES ET DOCUMENTS



UNE POLÉMIQUE HISTORIQUE EN ALLEMAGNE.


« L’érudition, » dit M. Louis Havet dans la belle préface qu’il a mise en tête des œuvres de son frère, « est une science, au sens le plus rigoureux du mot, aussi science que la physique ou l’algèbre. Elle diffère des autres, — celles qu’on appelle improprement les sciences, avec l’article défini, — par l’objet, par l’application, mais non par la méthode. » Certains esprits douteront peut-être qu’il y ait identité absolue entre les procédés empiriques auxquels le diplomatiste a recours pour dater une charte et les calculs de l’astronome qui détermine les mouvements d’une planète. Mais, au fond, tout le monde demeurera d’accord, avec M. Havet, que la méthode employée par les érudits est une méthode scientifique et que la critique historique telle qu’elle est pratiquée de nos jours mérite pleinement le nom de science.

Cependant, la critique historique, ou, si l’on veut, l’histoire-érudition, n’est pas toute l’histoire. Elle n’existe pas pour elle-même. Elle n’a pas pour but que la découverte des faits. Et, ces faits, il ne lui appartient pas de les mettre en œuvre, d’établir entre eux des rapports de causalité, de reconstruire avec eux le passé dans sa réalité vivante. La critique fournit des matériaux à l’histoire proprement dite, à l’histoire-récit. Cette tâche accomplie, elle ne va pas au delà. Pour important, pour essentiel qu’il soit, son rôle, malgré tout, demeure subordonné. L’authenticité des textes établie, les sources critiquées, la chronologie des événements fixée, il reste encore à faire l’histoire.

Et c’est là une nécessité à laquelle il est impossible d’échapper. On aura beau se retrancher derrière des scrupules scientifiques, alléguer l’insuffisance de nos connaissances, la vanité, le caractère éphémère et provisoire de toute synthèse, proclamer qu’on ne peut et