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reconnaître la date des poèmes qu’ils proposaient de mettre au compte de Jacques. Pour « Yas Sen, » ils ne trouvèrent rien qui mérite mention, et cela se conçoit ; Yas n’a aucun sens, et le mot ainsi formé doit être le résultat d’une de ces erreurs typographiques si nombreuses dans l’édition princeps de Major. Mais il existe dans l’ancienne littérature écossaise un petit poème pittoresque et familier intitulé Peebles to the Play, et qui commence par :

At Beltane, quhen ilk bodie bownis[1].

Les trois critiques et d’autres encore, incapables de reconnaître que les formes grammaticales empêchaient d’attribuer à ce chant une date si ancienne, déclarèrent d’une seule voix que Major avait en vue ce chant-là et qu’il était de Jacques Ier. L’erreur a été mise hors de doute depuis. On reconnaîtra sûrement que les Pinkerton, Tytler et Percy doivent seuls en être tenus responsables. Que leur faute diminue l’estime où nous les tenions (ils ont bien des circonstances atténuantes), c’est justice. Mais en faire porter la peine à Major, comme M. Brown le propose, serait déraisonnable et injuste. Major a dit que Jacques avait composé un chant qui commence par « At Beltayn ; » il n’a pas dit que ce chant était Peebles to the Play ; plus d’un chant peut commencer par ces mots, qui n’ont rien de très caractéristique ; Beltayn désigne les fêtes populaires du mois de mai en Écosse. C’est un peu comme s’il s’agissait d’identifier chez nous un poème commençant par « ce mois de may. »

Le témoignage de Major, en faveur du « Cahier du Roi, » confirme donc celui du manuscrit et demeure entier ; car l’historien n’est pour rien assurément dans les attributions fausses du xviiie siècle.

Ajoutons à tout cela un détail qui a son prix, parce qu’il montre que Major n’était pas un admirateur aveugle de tout ce qui portait le nom de Jacques. Bower avait cité avec complaisance deux vers latins improvisés par le roi au moment où, par une sorte de trahison, il parvint à enfermer dans la tour d’Inverness les chefs de clans :

Ad turrim fortem ducamus caute cohortem,
Per Christi sortem meruerunt hi quia mortem[2].

  1. Texte (e. g.) dans Eyre Todd, Scottish Poetry of the Sixteenth century, p. 159.
  2. Scotichronicon, 1759, t. II, p. 489.