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que leurs écrits viennent au jour, vers ou prose, lettres ou poèmes d’amour ; surtout s’il s’agit d’amoureux qui n’étaient pas des poètes de profession, à plus forte raison s’il s’agit d’un roi. Tout ce qu’on peut dire de Bower, c’est qu’il ne parle pas du Kingis Quair, et il n’y aurait rien de surprenant à ce qu’il ne l’eût pas connu. Pour que son témoignage fût contre le roi, il faudrait qu’il nous dît, par exemple, que Jacques fut illettré, ou que, tout entier à ses autres devoirs, ses autres passions ou ses autres amusements, il n’avait cure des lettres. Or, il nous dit tout le contraire ; parmi les passe-temps favoris du roi figurait, écrit Bower, l’art littéraire : « Operi artis literatoriae… complacenti instabat cura. » Or, le mot avait au moyen âge le sens le plus général et comprenait toute littérature, prose ou poésie. Jean de Salisbury, voulant célébrer les mérites de la grammaire et montrer qu’elle est la source première de toute littérature comme de toute philosophie, emploie la même expression : « Eadem (grammatica) quoque est totius philosophiae cunabulum et, ut ita dixerim, totius literatorii studii altrix prima[1]. »

Après Bower, le premier en date des historiens qui se soient occupés de Jacques Ier est John Mair ou Major, né en 1469-70 à Gleghornie, en Écosse, non loin du fameux château de Tantallon, personnage considérable qui, après des études à Cambridge et à Paris, fut tour à tour professeur de logique et de théologie aux collèges de Montaigu et de Navarre et à la Sorbonne, régent du collège de Glasgow en 1518, affilié à l’Université de Saint-Andrews et chargé par elle de fonctions diverses. Sa renommée fut européenne, surtout à cause de son enseignement philosophique. Les gros livres dans lesquels il exposa sa doctrine n’ont plus de lecteurs et depuis longtemps ; mais sa courte « Histoire de la plus Grande-Bretagne[2] » demeure pour lui un titre permanent à la reconnaissance des lettrés. C’est, pour l’Écosse, la première histoire rédigée dans un esprit critique ; il ose trancher dans le vif, et si, naturellement, il est fort loin encore de répondre aux exigences d’aujourd’hui, du moins il exclut les plus grossières de ces

  1. Opera omnia, éd. Giles, t. V, p. 34.
  2. Historia Majoris Britanniae… per Joannem Majorem. Paris, in-8o ; la préface est datée du collège de Montaigu : « E gymnasio Montisacuti, apud Parrhisios » (s. d.). L’achevé d’imprimer porte : « Ex officina Ascensiana, ad idus aprilis M D XXI. » Sur le titre, un très joli bois représentant l’intérieur d’une imprimerie ; sur les pieds de la presse est inscrite la date 1520.