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Toute cette poésie était trop personnelle ; surtout, elle était trop l’œuvre d’amateurs, de gens dont la profession n’était pas d’être poètes, pour prendre son rang et pour être commémorée par les contemporains et successeurs appartenant ou s’exerçant au métier. Poètes et critiques, lorsqu’ils avaient à citer des poètes, donnaient les noms de gens qui avaient été des poètes avant tout ; Dunbar citait Chaucer ou Henryson ; Marot citait Jean de Meung ou Villon. Jacques Ier et Charles d’Orléans étaient, par état, des princes et non des poètes. Une postérité plus lointaine s’est placée à un point de vue différent, et c’est précisément le caractère personnel et intime d’œuvres écrites, non par métier, mais par inspiration, qui a fait leur principal charme aux yeux des hommes de notre temps.

Si les poètes sont muets sur le compte de Jacques Ier, cependant le témoignage du ms. de la Bodléienne n’est pas venu jusqu’à nous totalement isolé et sans aucune confirmation quelconque.

Voyons ce que disent les historiens. Le grand chroniqueur contemporain, Walter Bower, « le seul contemporain, dit M. Brown, et pour cette raison, strictement parlant, le seul témoin compétent, doit être considéré comme s’étant prononcé contre Jacques » (p. 66).

Pas tout à fait. D’abord, il n’est pas exact de dire que les contemporains soient en meilleure situation que tous autres pour avoir connaissance d’œuvres aussi personnelles et sur un sujet aussi intime que le Kingis Quair. Tous les amoureux n’ont pas la passion de la publicité, et c’est assez souvent après leur mort

    singulière avec le commencement des Canterbury Tales ; on dirait une traduction libre. On ne peut guère croire à une traduction directe ; il est possible qu’il existe un original plus ancien, commun aux deux poètes :

    Vers my avril, où temps que la verdeur
    Jà apparoist, commençant par doulceur
    Du renouveau issir la fueille et fleur
    En boutonnant, de laquelle l’odeur
    Fait devenir l’air serain trop meilleur
    Qu’il n’a esté par la dure froideur
    Que le soleil a si fort combatue…
    Les oisillons si n’ont lors plus de peur
    D’encommencer leurs doulx chans sans demeur
    Par amourettes qui leurs gens cuers argue.

    Ms. Fr. 12178, à la Bibliothèque nationale (copie figurée du ms. de Saint-Pétersbourg).