Page:Revue historique - 1897 - tome 64.djvu/165

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

traient point dans celles-ci et s’installaient aussi dans les villages ; les prix et les salaires ne se taxaient plus d’une façon purement arbitraire, l’idée de l’offre et de la demande commençait à apparaître. Des associations fondées sur l’idée de monopole tentaient ce que devaient faire plus tard les grandes compagnies commerciales du XVIIe siècle, qui bouleversèrent si profondément l’organisation économique des villes. — Lamprecht nous montre comment et pourquoi ces belles espérances ne purent se réaliser, comment et pourquoi villes et campagnes se séparèrent de plus en plus et comment ce recul fut aussi déplorable pour les unes que pour les autres, car il ne faudrait pas s’imaginer que le retour à une période de Naturalwirthschaft fut avantageux aux populations rurales, comme on pourrait le supposer. Que l’on envisage les vieux pays germaniques ou les contrées slaves, germanisées par des colons allemands, ces transformations économiques furent déplorables. Dans les pays proprement germaniques le retour à l’état de choses antérieur fut surtout préjudiciable par suite de la désagrégation des anciennes associations de la Marche (Markgenossenschaften) et de la décomposition des domaines ruraux d’autrefois, des villas ou des manses provenant surtout de l’accroissement de la population. Le sol apparaît déjà, dans certaines contrées, comme aussi morcelé qu’il l’est de nos jours. L’ancien manse plein (Vollhufe) n’apparaît plus comme l’unité de culture rurale ; de nouvelles couches sociales apparaissent. On trouve, à côté de paysans riches, un grand nombre de paysans pauvres, et le nombre de ceux-ci paraît augmenter. Toutes ces transformations paraissent surtout désastreuses pour les prolétaires dont les droits, vis-à-vis du sol, vont de plus en plus en s’affaiblissant.

Les chapitres consacrés à la Réforme comportent malheureusement beaucoup de réserves, et il y aurait toute une étude à faire sur les idées de l’éminent historien. On ne pourra, certes, lui adresser les mêmes reproches qu’à Pastor ou à Janssen. Les papes de cette époque nous sont tous dépeints (à peu d’exceptions près) comme des intrigants ou des gredins, et on pourrait croire, à la lecture de certains passages, que les couvents et les monastères ne sont que des sentines de vice et des foyers d’abomination, que les religieuses sont, pour la plupart, des visionnaires ou des femmes perverties, etc.

Sans prendre la défense de cette époque, je dirai, comme Lenz et Finke, que l’auteur a peu étudié la vie des couvents au moyen âge, qu’il n’a pas lu suffisamment les ouvrages qui traitent de la Réforme, et qu’il utilise un peu au hasard les sermons de certains prédicateurs, sans même apprécier convenablement l’importance des matériaux qu’il emploie. Nous sommes encore trop mal renseignés sur la moralité du peuple allemand à cette époque pour pouvoir généraliser autant qu’il le fait certains cas particuliers. Ainsi, dans la Westphalie, où j’ai longtemps séjourné et dont j’ai étudié avec soin la vie rurale, l’histoire et les institutions, la moralité était certainement beaucoup meilleure que les descriptions de Lamprecht ne pourraient le faire supposer. Érasme a fait, avec raison,